mardi 17 octobre 2023

La Palestine: la plus belle promesse de la Société des Nations ou l'insoutenable optimisme d'oncle Saïd

 

2014, c'est donc l'année de la Coupe du Monde et de l'humiliante défaite de l'équipe du Brésil à domicile, l'Allemagne comme à son habitude remportait le titre. L'année où Israël déclenchait sa énième guerre contre le peuple palestinien lançait son «offensive», comme le rapportaient les journalistes et les bulletins d'information des télévisions du monde entier, contre les «terroristes» de la bande de Gaza. Monsieur Stephen Harper, premier ministre du Canada, déclarait qu'Israël avait le droit de se défendre. Il n'était pas le seul, ses homologues américains et européens (Obama, Cameron, Hollande et Merkel...) faisaient de même. C'est aussi l'année où le chef de l'opposition officielle Thomas Mulcair exprimait sa consternation «par les récentes violences dans la région» ajoutant que «le gouvernement se doit de réaffirmer l'appui de longue date du Canada à une solution négociée en faveur de deux États, dans le respect des lois internationales...» L'autre chef de l'opposition libérale, Justin Trudeau affirmait comme son premier ministre qu'«Israël avait le droit de se défendre» en précisant que les résistants palestiniens du Hamas étaient des «terroristes».

1950, ce fut, aussi, et curieusement l'année où le Brésil perdait la Coupe du Monde à domicile comme aujourd'hui, j'avais alors 2 ans et j'habitais dans les faubourgs de Jérusalem chez mes cousins maternels. Mes parents étaient chassés de leur terre à Deir Yassin. Ni Harper, ni Thomas Mulcair, ni Justin Trudeau n'étaient nés. Louis Saint-Laurent le premier ministre de l'époque promettait aux Canadiens la paix et la prospérité après les affres de la Deuxième Guerre mondiale. Le Hamas n'était pas encore né ni le Fatah de Yasser Arafat ni L'OLP (Organisation de la Libération de la Palestine). L'ONU votait la résolution 181 en 1947 (Adoption du plan de partage : la Palestine est divisée en deux États indépendants, l'un arabe, l'autre juif, et Jérusalem est placée sous administration des Nations unies) ainsi que la résolution 194 en 1948 (les réfugiés qui le souhaitent doivent pouvoir «rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et vivre en paix avec leurs voisins» ; les autres doivent être indemnisés de leurs biens «à titre de compensation», et la Résolution 302 en 1949 (8 décembre 1949) qui mettait en place l'UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine). Je prenais donc et officiellement le statut de réfugié.


En 1958, j'avais 10 ans, et ce fut l'année où Pelé à l'âge de 17 ans menait le Brésil à la victoire et à l'obtention de sa première Coupe du Monde. Harper n'était pas encore né, Mulcair, à 4 ans, allait à la garderie, Trudeau n'existait même pas dans la tête de ses géniteurs. Le premier ministre John Diefenbaker militait pour l'exclusion de l'Afrique du Sud du Commonwealth. Mandela s'initiait à la politique au sein de l'ANC et commençait à militer contre l'Apartheid. Le Hamas n'était pas encore né ni l'OLP ni l'Autorité palestinienne. Mes parents n'étaient plus optimistes, car, l'attaque, menée par la Grande-Bretagne, la France et Israël en 1956 contre l'Égypte de Nasser, avait pulvérisé leur espoir de retrouver leur terre à l'ouest de Jérusalem. L'Algérie était française et les petites monarchies du Golf (EAU, Qatar, Bahrein, Koweit) n'avaient pas encore été créées. Au Québec, Borduas publiait son Refus global qui traçait la voie à la «Révolution tranquille» et Raymond Lévesque chantait son hymne pacifiste «Quand les hommes vivront d'amour» durant la guerre d'Algérie.

Une dizaine d'années plus tard, à l'âge de 20 ans, j'étais déjà un vétéran de la guerre de libération de la Palestine. J'avais perdu l'œil et le bras gauches dans une opération commando sur le front du Jourdain, au sein des brigades du Front populaire. J'étais affecté à des tâches administratives au secrétariat de l'OLP à Aman en Jordanie. C'est que, entre temps, l'OLP avait vu le jour, c'était l'année où Mandela entrait dans les geôles du régime d'Apartheid pour purger une peine de prison à vie. Et, au Canada, Trudeau, le père, prenait ses fonctions de premier ministre, bientôt la «trudeaumania» allait déferler et faisait connaître le pacifisme du pays et son engagement pour la paix dans le monde, comme son prédécesseur Lester B. Pearson, il refusait de participer à la guerre du Vietnam.


En ce printemps de 1968, le monde était en ébullition, la contre-culture battait son plein aux États-Unis et «Mai 1968» marquait la chute de la société traditionnelle en France et en Europe, le capitalisme et l'impérialisme étaient dénoncés. La devise «Peace and Love» était sur toutes les lèvres. Les jeunes dansaient sur les rythmes d'Evis Presly et écoutaient Hard day's night des Beatles alors que les plus engagés reprenaient les refrains Blowin' in the wind et We shall over come des chansons de Bob Dylan et de Joan Baez. Noam Chomsky manifestait contre la guerre du Vietnam et publiait La responsabilité des intellectuels.

Le Conseil de sécurité de l'ONU votait la résolution 242 (22 novembre 1967) qui condamnait l'«acquisition de territoire par la guerre» et demande le «retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés». Il affirmait «l'inviolabilité territoriale et l'indépendance politique» de chaque État de la région puis la résolution 252 (21 mai 1968) qui déclarait «non valides» les mesures prises par Israël, y compris l'«expropriation de terres et de biens immobiliers», qui visent à «modifier le statut de Jérusale», et demandait à celui-ci de s'abstenir de prendre de telles mesures, et enfin la résolution 267 (3 juillet 1969) dans laquelle il censurait «toutes les mesures prises [par Israël] pour modifier le statut de Jérusalem». L'espoir des Palestiniens de récupérer leurs territoires était immense durant ces temps-là, mais il n'y avait aucune mesure concrète des grandes puissances pour obliger Israël de les restituer. Je gardais mon statut de réfugié. La décennie 1960 s'éteignait en emportant avec elle le secret de l'assassinat des frères John et Robert Kennedy et de Martin Luther King.

En 1978, j'avais 30 ans, j'occupais toujours un poste administratif dans les bureaux de l'OLP, mais à Beyrouth cette fois-ci. C'est que Yasser Arafat et son OLP étaient chassés de la capitale jordanienne Aman. Le petit roi, comme on l'appelait, trouvait que nous prenions beaucoup d'espace sur ses terres. Septembre noir (1970) était né, une autre date phare de la révolution palestinienne. Avec l'aide des États-Unis et d'Israël, le roi Hussein de la Jordanie avait perpétré un massacre en tuant des centaines de combattants palestiniens. J'étais, donc, au Liban quand eut lieu l'indescriptible guerre civile en 1975, tout le monde tirait sur tout le monde, mais juste avant cela, la guerre de Sadate de 1973 se terminait avec des accords de paix qui allaient restituer le Sinaï à l'Égypte. Stephen Harper n'avait pas encore terminé son secondaire, Thomas Mulcair entrait à l'université et Justin Trudeau allait à la garderie. Le Hamas n'était pas encore né ni l'ordinateur personnel ni le téléphone portable. Nixon démissionnait à la suite du scandale du Watergate et les États-Unis se retiraient du Vietnam en laissant derrière eux plus d'un million de morts, alors que John Lennon chantait Imagine. Pendant ce temps-là, en 1970, Pelé, encore lui, offrait à son pays le Brésil sa troisième Coupe du Monde et se retirait de la compétition internationale.

Et l'ONU comme à son habitude pondait résolution sur résolution, celle qui porte le numéro 446 exigeait, rien que cela, l'arrêt des «pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967», et déclarait que ces pratiques «n'ont aucune validité en droit» et demandait à Israël de respecter la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. Au Québec, la voix de Céline Dion faisait sensation et René Lévesque pleurait la perte de la souveraineté et déclarait à ses compatriotes que s'il les avait bien compris, la prochaine serait la bonne, alors que mon statut de réfugié se renforçait et m'ouvrait le droit de demander un passeport aux instances de l'ONU. La belle promesse de l'ONU se faisait attendre, mais elle était toujours là, prête à éclore à n'importe quel moment.


Entre 1980 et 1991, le Conseil de sécurité de l'ONU avait pondu une dizaine de résolutions (la 468, la 592, la 605, la 607, la 608, la 636, la 641, la 672, la 673 et la 681) dans lesquelles, il rappelait que la convention de Genève relative à la protection des civils en temps de guerre «est applicable aux territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés par Israël depuis 1967». Il condamnait «l'armée israélienne qui, ayant ouvert le feu, a tué ou blessé des étudiants de l'université Bir Zeit». Il affirmait qu'Israël devait «s'abstenir d'expulser des civils palestiniens des territoires occupés», demandait à Israël «d'annuler l'ordre d'expulsion des civils palestiniens et d'assurer le retour immédiat et en toute sécurité» de «cesser immédiatement d'expulser d'autres civils palestiniens», et déplorait «qu'Israël, puissance occupante, continue d'expulser des civils palestiniens». Les résolutions 673 (24 octobre 1990) et 681(20 décembre 1990) étaient des bijoux, dans la première, le Conseil de sécurité «condamne le refus d'Israël d'appliquer la résolution 672» et dans la seconde il «somme Israël d'appliquer la convention de Genève.» Notre problème c'est qu'il n'y avait jamais eu un huissier pour obliger Israël à respecter les sentences des Nations-Unis.

Cependant, l'ONU allait retrouver bientôt sa force et sa fermeté dans l'application de ses résolutions lorsque le Conseil de sécurité avait décidé de libérer le «joyau de la démocratie», le Koweït sous occupation de l'Irak. Quand Saddam, le président irakien, eut l'idée lumineuse d'envahir le Koweït, je fêtais mon 42e anniversaire à Alger. L'administration sensible de l'OLP avait élu domicile en Algérie après le bombardement de ses bureaux à Tunis par Israël. C'est que la résistance et les combattants palestiniens avaient quitté le Liban quand Israël l'avait envahi en 1982 et exigé le départ des Palestiniens, donc après Aman et Beyrouth, la direction de l'OLP passait en Tunisie. Et moi, je passais de l'âge du rêve à l'âge réaliste, mais je trainais encore l'air d'un romantique révolutionnaire à la Che Guevara. Se marier, fonder une famille et s'installer, pourquoi pas, mais les paroles du poète Mahmoud Darwich revenaient sans cesse me hanter : «Je ne voudrais pas faire venir au monde des enfants sans patrie, réfugiés de naissance.»


La décennie 1980 était riche en rebondissements, l'élimination physique du dernier pacifiste de l'époque Peace and love John Lennon et l'apparition de Michael Jackson, la planète entière dansait sur Billy Jean. La faim en Afrique interpellait les consciences et mobilisait des artistes du monde entier. La chanson We are the World était née. En parallèle, d'autres artistes comme Tracy Chapman, Peter Gabriel, Bruce Springsteen, Sting, Michel Rivard, Daniel Lavoie, et à leur tête Johnny Clegg, luttaient contre l'Apartheid.

La chute du mur de Berlin avait entrainé avec elle celle de l'Union soviétique donnant une portée de nouveaux pays. (Estonie, Lithuanie, Lettonie, Géorgie, Ukraine, Biélorussie, Kazakhstan, Azerbaïdjan Turkménistan...) L'éclatement de la Yougoslavie allait suivre pour affranchir la Slovénie, la Croatie, la Macédoine, la Bosnie, la Serbie et un peu plus tard le Kosovo et le Monténégro ce qui augmentait du coup le nombre des pays membres de l'ONU qui passait de 154 à 184, mais rien à l'horizon pour la naissance de la Palestine. Soyons patients, disaient les sages Palestiniens, nous sommes sur la bonne voie, après le règlement des problèmes européens, le monde dirigerait ses projecteurs sur notre malheur. Le Hamas voyait enfin le jour, il était le bienvenu dans la famille des résistants palestiniens, décidait Israël. On allait bientôt lui remettre les clés de la bande de Gaza. J'étais encore un réfugié reconnu par les instances de l'ONU et la belle promesse était toujours dans l'air.


De 1991 à 2001, le Conseil de sécurité de l'ONU continuait à pondre des résolutions . Il déplorait, dénonçait, exigeait, demandait, blablabla... à Israël de respecter ses résolutions. Le monde inventait le téléphone et les bombardiers intelligents ainsi que la guerre préventive et l'ingérence humanitaire. Nous voilà donc aux portes de l'indépendance de la Palestine et sans guerre de libération s'il vous plaît. L'intervention humanitaire nous sauverait répétaient les éternels optimistes, profitant de cette nouvelle donne, Mandela sortait de prison, l'Apartheid avait vécu. Francis Fukuyama écrivait La fin de l'histoire et Samuel Huntington ripostait par Le choc des civilisations. Quittant Impérial Oil, le jeune Harper du parti réformiste entrait au parlement, Mulcair, le libéral provincial, à l'assemblée du Québec et Justin Trudeau à l'université. Cette décennie sera marquée par les interminables négociations d'Oslo. Ces négociations devraient mettre fin à l'occupation des territoires et l'installation d'une autorité palestinienne provisoire avant la déclaration de l'indépendance totale tant attendue. On se dirigeait vers une solution négociée et progressive lorsqu'eut lieu le plus grand événement du jeune XXIe siècle.

J'avais 53 ans et j'étais à New York dans les bureaux de la représentation de l'OLP auprès de l'ONU quand le prétexte du lancement de la guerre perpétuelle au terrorisme fut inventé. Bush fils allait finir le travail entrepris par son père en Irak. Le député Harper pressait le PM Chrétien de participer à la guerre, il fera 37 interventions en faveur de la guerre contre l'Irak, malgré l'absence de preuves de l'existence des armes de destruction massive. Sharon, le premier ministre israélien en appui à son homologue américain déclarait lui aussi la guerre au terrorisme. Du jour au lendemain, tous les groupes politiques palestiniens recevaient la suprême distinction, le label d'organisation terroriste. Les pourparlers de paix sont suspendus ainsi que l'espoir de voir un État palestinien de mon vivant. Yasser Arafat et la direction de l'autorité palestinienne seront assiégés chez eux à Ramallah pendant deux ans Harry Potter était en vogue et Madonna personnifiait Évita Perron.

Je quittais New York pour prendre mes nouvelles fonctions à Ottawa le jour même de l'opération «Plomb durci», Justin Bieber avait 14 ans et moi, j'en avais 60. Non loin de mon bureau, Harper, devenu premier ministre, entre-temps, déclarait qu'Israël avait le droit de se défendre l'encourageant à bombarder la bande de Gaza à sa guise. 1 400 morts - majoritairement des civils - plus tard, Obama entrait à la Maison Blanche et recevait le prix Nobel de la paix. Une nouvelle ère s'annonçait prometteuse pour la création de l'État palestinien, le Chef de la plus grande puissance au monde, brandissant la médaille de Nobel, déclarait qu'il était favorable à la solution de deux États et qu'Israël devait se retirer des territoires occupés en 1967. La décennie 2010 s'achevait sur le succès de My world de Bieber et l'attente impatiente des Palestiniens de voir la concrétisation des promesses du discours d'Obama, mais une tempête allait bientôt se déclencher pour emporter les vieux régimes des pays arabes. On l'appellera le «Printemps arabe».


Les présidents Z. Benali (Tunisie), M. Moubarak (Égypte), A. Salah (Yémen) et M. Kadhafi (Libye) disparaissaient du paysage politique arabe, et Bieber chantait Baby. L'ONU, encore elle, autorisait ses États membres de protéger le peuple libyen. Le Conseil de sécurité était prompt à réagir. Une coalition était mise en place comme pour le peuple koweïti pour la libération de la Libye. Les Palestiniens, médusés, regardaient cette intervention, la rage au cœur, ils étaient prioritaires. Ils se disaient qu'ils n'étaient pas assez visibles, le peuple de Gaza, sous un blocus inhumain depuis 2006, lançait des feux d'artifice sous forme de roquettes pour attirer l'attention du monde sur son sort. Il ne fallait pas plus pour qu'Israël ripostât par l'opération «Pilier de défense» (2012) en bombardant la bande de Gaza, laissant des centaines de morts parmi les civils. Les États-Unis, la France, l'Angleterre, le Canada et beaucoup d'autres petits pays criaient tous et en même temps, comme dans une chorale, qu'Israël avait le droit de se défendre.

2014 entamait son deuxième semestre en laissant derrière lui l'humiliante défaite du Brésil face à l'Allemagne, Israël continuait à bombarder la prison à ciel ouvert de Gaza, Harper et ses homologues continuaient à aboyer comme à l'accoutumée qu'Israël avait le droit ... le chef de l'opposition officielle Mulcair chuchotait à l'oreille des Canadiens qu'Israël devait montrer un peu de retenue et le jeune Trudeau répétait à qui voulait l'entendre qu'Israël avait le droit... 2 000 victimes plus tard, toujours majoritairement des civils, et la destruction de 10 000 habitations, 141 écoles, 12 hôpitaux, 1 centrale électrique, 6 abris de l'ONU , le Conseil de sécurité n'avait pas pondu de résolution cette fois-ci. Finalement, cela ne servira à rien que la communauté internationale prenne des décisions et qu'elle ne trouve personne sur le terrain pour les appliquer.

Je célébrais ma 66e année de réfugié officiel, certifié UNRWA de l'ONU en pensant à la belle promesse de la Société des Nations de 1947 et à l'humiliante défaite du genre humain. L'occupation, la colonisation et l'humiliation de tout un peuple, au su et au vu de la planète entière, pendant plus de 60 ans auront, de toute évidence, un avenir radieux, vu l'état de délabrement avancé de la condition humaine.


https://www.huffpost.com/archive/qc/entry/la-palestine-la-plus-belle-promesse-de-la-societe-des-nations-o_b_5673482


https://www.huffpost.com/archive/qc/entry/la-palestine-la-plus-belle-promesse-de-la-societe-des-nations-o-1_b_5673510




lundi 14 mars 2022

L’emprisonnement de mon concitoyen canadien et mon compatriote algérien, « Monsieur Lazhar »

La semaine dernière, la communauté algérienne du Québec (Canada) a appris, avec stupéfaction et consternation, la nouvelle de l’arrestation en Algérie de monsieur Lazhar Zouaimia, un citoyen canadien d’origine algérienne. Une nouvelle diffusée dans la plupart des médias du Québec et du monde. Le journal Le Devoir titrait ainsi son article : « Un citoyen canadien arrêté en Algérie pour délit d’opinion ».

Qui est donc monsieur Lazhar et qu’a-t-il fait de si grave pour mériter l’incarcération dans son pays d’origine?

Natif de la même ville Sedrata que monsieur Lazhar Zouaimia, je le connais depuis son jeune âge. Il est issu d’une famille de résistants qui a participé à la guerre de libération contre le colonialisme français. Les Zouaimia sont connus, aussi, dans notre ville et dans le reste du pays par leur engagement dans les luttes sociales et dans la défense des libertés démocratiques.

Monsieur Lazhar Zouaimia, élève brillant selon ses camarades et ses professeurs, il a eu son baccalauréat en 1986. Il a poursuivi ses études supérieures à l’institut de télécommunication d’Oran (Algérie) et recruté après sa formation par la société d’État les PTT (Poste et Télécommunication). Il a assumé la responsabilité du montage et de la réparation des appareils de télécommunication au niveau des relais de transmission dans toute la région est algérienne. Il a accompli cette mission durant la guerre civile (1990-2000) où il risquait sa vie à chaque sortie sur le terrain.

La situation étant instable et dangereuse en Algérie, il a commencé à envisager une immigration en pensant surtout à l’avenir de son fils Mehdi. Monsieur Lazhar Zouaimia s’est tout de suite intégré à la société québécoise et cela dès son arrivée au Canada en 2003. Il s’est installé avec sa petite famille à Montréal, la grande métropole du Québec. Il a par la suite entrepris des démarches (lui et sa femme) pour trouver du travail et se rendre utile à sa nouvelle société. Engagé par la grande société d’État Hydro-Québec, il n’a pas hésité à accepter un poste de travail dans le Grand Nord du Québec, pendant que sa femme décrochait un poste de professeur de mathématique dans la région de Montréal.

Monsieur Lazhar, animé par de grands idéaux de justice et de liberté, il s’est rapproché des organismes qui défendent ces principes. C’est ainsi qu'il s’est retrouvé, tout naturellement, dans les objectifs et la mission d’Amnistie internationale. Il en est devenu un élément actif, participant à ses activités de solidarité avec les détenus d'opinion et dénonçant l’arbitraire et l’injustice partout dans le monde. Madame Louise Maurice d’Amnistie internationale Rive-Sud s’indignait ainsi de son arrestation : « Nous avons un ami en péril, un défenseur actif des droits humains. Il était très touché par tout ce qui concernait la liberté d’expression, le droit aux rassemblements pacifiques. Nous avons travaillé sur plusieurs campagnes importantes ensemble et de le savoir emprisonné est insupportable ». Robert Claveau, président du syndicat des technologues d’Hydro-Québec affirmait pour sa part que Lazhar Zouaïmia « est un citoyen engagé auQuébec et un salarié exemplaire de la société d’État »2. Monsieur Lazhar « est un homme intègre, droit, authentique, juste et très généreux, toujours prêt à se rendre utile et à exprimer concrètement sa solidarité avec le démuni, les persécutés et avec toute personne subissant l’injustice », disait son compatriote et ami d’enfance Aziz Bechiri. Madame Fatima sa conjointe, dans une lettre ouverte fort émouvante, confirmait tous ces témoignages : « Lazhar est un père de famille dévoué. Un homme affectueux, attentionné, ouvert d’esprit, responsable, sincère et toujours à l’écoute de mes préoccupations ». Sarah, sa fille, qui vient de fêter ses 18 ans, abondait dans le même sens en reconnaissant en son père, l’homme qui l’inspire et qui lui a inculqué les valeurs de la solidarité et de la défense « des droits et libertés de tous ».

Monsieur Lazhar, c’est aussi un homme de culture, un grand amoureux des arts et de la littérature. Il ne ratait jamais les événements culturels de la diaspora algérienne. Il ne faisait pas qu’assister à ces activités, mais il se proposait, aussi, à titre de bénévole, pour aider dans l’organisation.

C’est, donc, ce véritable citoyen modèle, ce véritable monsieur Lazhar qui a été arrêté en Algérie sous de fallacieuses accusations d’apologie du terrorisme. L’ironie du sort c’est qu’il est allé en Algérie pour faire une bonne œuvre charitable, offrir aux habitants de sa ville natale une fontaine publique qu’il a aménagée par ses propres moyens. Un don fait à sa communauté à la mémoire de son fils Mehdi (décédé au Canada, il y a quelques mois, à l’âge de 21 ans), pour que sa ville natale garde un souvenir de son passage sur la terre de ses ancêtres.



Salah El Khalfa Beddiari

Écrivain et membre du C.A. du centre québécois du P.E.N. international

lundi 6 mai 2019

Une loi pour des bagatelles


Pourquoi je pense que cette loi 21 du gouvernement de la CAQ est démagogique, populiste, électoraliste et insatisfaisante. Qu’elle n’est qu’une énième tentative de diversion pour permettre à l’idiot utile et à l’idiot actif d’intoxiquer l’atmosphère du climat social au Québec.
Faisons le philosophe et passons les éléments de cette loi à travers les filtres de la sagesse. La loi est-elle utile à la société, est-elle juste, est-elle d’intérêt public? Ajoutons à cet examen de sagesse l’examen de la justice sociale. Cette loi, une fois qu’elle entre en vigueur, apportera-t-elle plus de justice sociale et une meilleure répartition des richesses nationales, améliorera-t-elle le sort des citoyens sans travail et ceux qui vivent dans la précarité (deux millions de clients des banques alimentaires), encouragera-t-elle un vivre ensemble harmonieux ? Essayons l’exercice.
Je suis areligieux, plutôt athée convaincu depuis mon adolescence, c’est pour dire que le principe de laïcité de l’État me convient parfaitement. Le Québec est sécularisé depuis plusieurs décennies, la séparation de l’église et de l’État est ancrée dans cette société comme, pratiquement, dans toutes les sociétés occidentales. Le religieux n’a plus aucune prévalence dans la gestion des affaires de l’État. Je trouvais et je trouve encore que la laïcité de l’État est le principe par excellence que tout pays doit appliquer pour la coexistence pacifique au sein de la société. Quoi de plus équitable, donc, que de voir l’État rouler sous un système basé sur les principes de la laïcité, réaffirmant la séparation de l’État et des religions, la neutralité religieuse de l’État, l’égalité de tous les citoyens et la liberté de conscience et de religion.
En effet, le projet de loi du gouvernement caquiste stipule que les institutions parlementaires, gouvernementales et judiciaires sont tenues de respecter les principes de la laïcité dans le cadre de leur mission. Il prévoit notamment l’interdiction du port de signes religieux chez les employés de l’État en position de coercition (juges, policiers, procureurs, gardiens de prison). Jusqu’ici tout est parfait quoiqu’il me paraisse superfétatoire puisque les fonctionnaires de ces corps de métiers sont depuis longtemps assujettis à un code vestimentaire réglementaire. Là où le bât blesse, c’est au niveau de la mention qui concerne les enseignantes voilées des écoles primaires et secondaires du réseau public de l’éducation du Québec. La loi semble faite sur mesure pour cette catégorie de personnes. C’est une double peine à leur encontre, elles sont condamnées d’abord par la lecture dominante et littéraliste de leur croyance, obligées pour certaines d’entre elles de porter le voile par conviction et d’autres par soumission à la pression sociale ou familiale et bien d’autres par défi ou par solidarité. La deuxième peine vient de cette nouvelle loi qui les exclue du monde du travail. N’y aurait-il pas une meilleure approche pour les inclure au lieu de les rejeter.
En réalité, je m’attendais à une véritable laïcité de l’État, une laïcité totale et globale qui sépare réellement les affaires publiques des affaires religieuses à commencer par la suppression du financement public des écoles confessionnelles et l’abrogation des exemptions fiscales aux organisations religieuses, la suppression du volet « culture religieuse » du cours « Éthique et culture religieuse ». Et j’ajouterai à titre d’exemple le changement des noms (toponymie) des rues et des boulevards et des avenues, des places, des villages et des villes, l’abrogation des cimetières religieux, le démantèlement des croix, la séparation du religieux et de l’enfant dans toutes les institutions et dans toutes les écoles publiques et privées pour toutes les confessions, le confinement de toute expression religieuse dans le domicile privé et les lieux de culte,  la suppression des accommodements religieux dans les institutions publiques et privées, l’interdiction de l’affichage des signes religieux dans toutes les institutions publiques et privées, la suppression des  subventions aux instituts religieux etc..
À l’aune de ce qui précède, ce projet de loi est donc très loin du compte d’où mes soupçons de démagogie et de populisme à l’égard de ce gouvernement caquiste. Ce parti néolibéral est dangereux, il joue sur le terrain miné de l’identitaire à des fins purement électoralistes. Il n’est pas convaincu, lui-même, de la laïcité de l’État.
Ce projet de loi qui ne vise finalement qu’une infime partie de la population (quelques centaines au plus) montre son insuffisance et son insignifiance, car le problème du voile des enseignantes du secteur public pourrait très facilement être résolu par une loi interne ou un règlement intérieur des institutions éducatives du Québec. Une loi qui porterait sur le code vestimentaire réglementaire des enseignantes et des enseignants et sur l’interdiction de tout prosélytisme à l’école.
Cela éviterait à la société d’entrer dans un engrenage sans fin de batailles politiques et juridiques à l’échelle de la Province et de la Fédération qui ne ferait qu’exacerber les appartenances, exaspérer les minorités et stigmatiser un groupe fragile de citoyens : les enseignantes voilées. Par la même occasion, l’adoption de ce règlement couperait l’herbe sous les pieds aux groupes extrémistes de tous bords.
Et un dernier mot pour la route en guise de conseil au gouvernement s’il veut vraiment lutter contre l’extrémisme religieux islamique. Le foulard ou le hijab ou le voile est là et il le restera pendant pas mal de temps encore tant que l’idée qui l’a initié ou imposé n’est pas combattue ni battue. Le port du voile découle d’une lecture rigoriste de l’islam qui est soutenue par de puissantes organisations islamistes comme celle des Frères musulmans et des wahabites salafistes et par de richissimes monarchies comme le Qatar et l’Arabie Saoudite. Cette lecture est malheureusement dominante dans les pays arabes et musulmans et même dans les pays occidentaux.
Lorsque le gouvernement cible les enseignantes voilées, il s’attaque au messager et non pas au message. Peut faire mieux!




lundi 24 septembre 2018

Le dilemme du vote ethnique

Durant la coupe du monde de football, on dit que 32 équipes s’affrontent, mais à la fin c’est toujours l’Allemagne qui l’emporte. Au Québec, pendant les élections, une dizaine de partis se présentent et s’affrontent, mais à la fin c’est toujours le parti libéral qui gagne. En effet, sur les dernières quinze années, ce parti était à la direction de la province pendant douze ans. Qu’il soit éclaboussé de scandales de corruption à répétition ou qu’il exerce un leadership douteux, il sort tout le temps gagnant. Quel est, donc, le secret de ses réussites? Sortira-t-il vainqueur cette fois-ci encore ou bien la donne a changé avec l’arrivée de concurrents redoutables comme la CAQ à sa droite et le QS à sa gauche? Ajoutons à cela que l’épouvantail de la séparation du Québec qu’il agitait à chaque élection n’opère plus depuis que le PQ l’a reléguée aux calendes grecques. Sera-t-il lâché par le vote ethnique et le vote anglophone?

Rappelons rapidement que pendant ce dernier mandat, le parti libéral à réalisé des exploits en matière de compression budgétaire et d’austérité. Malgré les promesses, le gouvernement n’a pas amélioré le système de l’éducation, ni retapé le système de santé, ni éradiqué l’évasion fiscale ni diminué le taux de chômage chez les immigrants et les groupes ethniques, ni lutté contre la malnutrition des enfants ni contre les mauvaises conditions d’hébergement des aînés ni contre la pauvreté. Au contraire, le gouvernement a administré un traitement de cheval à la société pour instaurer sa politique d’austérité qui a donné ses « fruits » sous la forme d’un appauvrissement général des pans entiers de la population. On trouvera le résultat de cette politique dans le Bilan-Faim-Québec, ici. C’est presque le quart de la population 1,9 million de personnes qui se nourrissent grâce aux banques alimentaires.

Alors pourquoi les électeurs continuent-ils à voter pour ce parti, en excluant bien sûr sa clientèle traditionnelle, les forces du grand capital et de la grosse corporation?

J’ai posé la question aux habitués et aux clients de mon petit café du Sud-ouest comme il y a trois ans sur les élections fédérales. Jeudi dernier, autour de 17 h, je retrouvais mes collègues. Je dis « collègues » parce qu’ils travaillent à leur compte, comme moi, travailleurs autonomes qu’on les appelle ou à la pige, en plus de mes ex-concitoyens, chômeurs à temps plein. Il y avait donc, Robert, l’écrivain-réviseur, Roxane, la photographe, Éric, l’infographiste, Omar, le journaliste et Hakim, le dentiste ainsi que l’artiste-peintre Adel et le sociologue et juriste Kader.

John, le jeune nouveau propriétaire du café, après un moment de réflexion, dit qu’il voterait contre le parti au pouvoir, il est corrompu. Patrick, son gérant, sans aucune hésitation, appuie son patron: «Je voterai pour barrer la route aux libéraux. Trop de magouilles et trop de promesses non tenues», ajoute-t-il.

Mais pourquoi ce revirement, vous, les Anglophones, vous êtes acquis au parti libéral de père en fils? Les choses changent, disent-ils. « Oui, nous avons toujours voté libéral parce qu’on ne voulait pas d’un parti séparatiste au pouvoir, mais maintenant, nous avons plus de choix et la souveraineté n’est plus à l’ordre du jour. »

Omar, l’ex-journaliste, dix ans de recherche d’emploi en vain, ne mâche pas ses mots. « D’abord, ce parti se réclame faussement défenseur des minorités et des communautés ethniques et qu’il veille à l’intégration des immigrants. C’est de la rhétorique pure, il agit plus dans le sens des intérêts des riches et des classes moyennes supérieures. Les cas de l’augmentation des salaires des médecins et les aides accordées à Bombardier sont les preuves. Sur douze ans de règne qu’a-t-il apporté de concret aux immigrants? Le taux de chômage est toujours deux fois plus élevé que la moyenne nationale chez la communauté francophone maghrébine. »

Éric reconnaissait que le PLQ est corrompu, mais une alternative existe, opine-t-il. « Il y a la CAQ, ce parti a l’avantage de la franchise, il défendra les intérêts des Québécois.»
«Plutôt les intérêts des riches et en déportant les immigrants » l’a interrompu Hakim.

Robert, l’écrivain, dit : «Je suis d’accord avec le constat que vous faites sur la politique, mais, moi, je vote pour le parti qui a le plus de chances de battre le PLQ, c’est-à-dire le PQ. La réplique est venue de la part de Roxane, la photographe, qui dit : « Je ne vois aucune différence significative entre les programmes des grands partis, à part, peut-être, le QS. »

Immédiatement, soutenue par son voisin de table, Kader, le juriste, qui abonde dans le même sens. « Le PLQ, la CAQ et le PQ sont tous des partis de la classe moyenne supérieure, ils défendent les intérêts de leur classe, c’est-à-dire les riches. » L’artiste-peintre, Adel, vient, lui aussi, appuyer les propos de Roxane. « Ces trois grands partis n’ont avancé aucune solution au problème du chômage qui frappe la ‘‘communauté sacrifiée’’ ». La plus jeune cliente du commerce assène martiale qu’«il n’y a que la fraîcheur, la spontanéité et la volonté des jeunes qui peuvent apporter du changement ».

Si le microcosme de mon petit café reflète la société québécoise, une vague orange déferlera sur toute la Province. 

vendredi 24 novembre 2017

Le Québec, de quel mal souffre-t-il? Ou l’idiot utile et l’idiot actif au service de l’idiot « futé »

"Quand manger devient un luxe qu’on ne peut plus se payer", Le Soleil

L’idiot actif est dogmatique comme son vis-à-vis l’idiot utile, il ne fait pas dans la mesure ni dans la nuance. Ils se placent aux antipodes l’un de l’autre, mais ils se rejoignent dans les verdicts et les sentences qu’ils assènent comme des vérités absolues. Au contraire, l’idiot « futé », stratège et maître d’œuvre avisé, c’est lui qui mène la danse, il est l’instigateur en chef de la discorde ou de la diversion qui occupera les idiots de service.

L’idiot utile est porteur d’un étendard, celui du bienfaiteur et de l’ouvert sur l’autre. Il fera abstraction de ses croyances, de ses doctrines et de ses engagements, il les fera siennes parfois. Armé de bons sentiments, son engagement est altruiste. Il a de la compassion à profusion jusqu’à effleurer la condescendance.

L’opposé de l’idiot utile (et son repoussoir) est l’idiot actif. Il sait tout. Si le premier est au service du petit et du pauvre et de l’opprimé, le second est au service des valeurs dominantes de l’heure. Il se présente comme le garant et le protecteur de ces mêmes valeurs. Il est aussi le spécialiste de la chose étudiée ou débattue, comme le remarquait l’auteur Robert Musil.
Prisonnier de son propre point de vue, lequel organise son comportement, ses positions et sa vie. Il est capable de produire sur le monde des avis définitifs et sans équivoque c’est en cela qu’il est moralisateur.

L’idiot « futé », alias le gouvernement libéral du Québec, il n’arrête pas de lancer des chantiers politiques depuis son élection, il y a, maintenant,  trois ans. Détrompez-vous, ce ne sont pas des projets pour améliorer le système éducatif ni retaper le système de santé ni pour diminuer le taux de chômage qui touche les immigrants et les communautés ethniques ni pour lutter contre l’évasion fiscale ni contre la corruption.

NON!

Ses projets ne sont pas d’ordre social, il ne s’agit pas de lutter contre la paupérisation de la population ni contre la précarisation des travailleurs québécois ni contre la malnutrition ni contre la pauvreté ni contre les mauvaises conditions d’hébergement des aînés.

NON!


Il s’agit de chantiers d’ordre sociétal, c’est-à-dire légiférer sur des questions du vivre ensemble, comme si les Québécois ne vivaient pas ensemble auparavant.

Cela a commencé en juin 2015 avec le dépôt du projet de loi No 59 concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence pour aboutir à la loi No 62, reformulée en loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État. Entre les deux lois, le gouvernement administrait un traitement de cheval à la société instaurant une politique d’austérité qui donnera ses fruits sous la forme d’un appauvrissement général des personnes les plus vulnérables. On trouvera le résultat de cette politique dans L’enquête Bilan-Faim Québec 2017 : 1,9million de demandes d’aide alimentaire par mois. C’est quasiment le quart de la population qui se nourrit grâce à la charité (appelée banque alimentaire par euphémisme). Entre temps, on prescrit un traitement de choc à la scène politique et médiatique en créant la diversion. C’est là qu’on actionne les idiots de service et qu’interviennent l’idiot utile et l’idiot actif.

Dans l’arène médiatique, les sujets à débattre, censés être d’utilité publique, n’en manquaient pas. On a eu droit à la saga de la déradicalisation ou chaque institution réclamait son comité de prévention de la violence. Il y en avait un pour le gouvernement fédéral et un autre pour le provincial et d’autres pour la ville de Montréal, l’Université, le CEGEP, les garderies, etc. Après la saga, c’était au tour du feuilleton du burquini qui a duré toute une saison, il sera suivi de la série dramatique et macabre du 29 janvier, diffusée en deux temps. La première partie traitait de la tuerie au sein d’une mosquée et la deuxième de cadavres et de cimetières. Et présentement à l’affiche, une dramatique qui met en scène le niqab ou le voile intégral sur fond de racisme systémique ou non, de discrimination institutionnalisée ou non.

Quel est donc l’intérêt de ces multiples lois sur le vivre ensemble? C’est simple, me disait un ami, comme les politiques, toutes tendances confondues, connaissent les livres de Nicolas Machiavel, ils savent qu’ils doivent occuper l’esprit de leurs concitoyens par de faux problèmes, de fausses menaces, leur faire peur. De la diversion, en somme.

Pour le moment, ajoute-t-il, l’épouvantail est tout désigné. Le bouc émissaire par excellence est un ensemble d’immigrants issus de pays arabes et musulmans, car au sein de cette chose appelée « communauté » il existe des éléments extrémistes prônant un islam politique. Ils sont fréristes ou salafistes, connus et reconnus d’ailleurs par l’ensemble des pays occidentaux, et ils s’utilisent mutuellement en empoisonnant les grands espaces de respiration citoyenne. 

Cette population d’activistes islamistes extrémistes est au cœur de toutes les manipulations. Elle est utilisée par tous les apprentis prestidigitateurs. Cette infinissime minorité de la population du Québec est perçue comme un immense panneau de signalisation. Disait une autre amie.
Une fois la table est mise, l’idiot « futé », stratège, maître d’œuvre et instigateur en chef de projets et de lois polémiques, il jette le premier os voilé. Il sait que l’idiot actif et l’idiot utile n’attendent que cela pour se jeter l’un sur l’autre. Ils s’étripent et s'entre-déchirent en public via les canaux médiatiques. Le racisme existe crie l’un, non, il n’existe pas rétorque l’autre. 
- Dieu existe! 
- Non il n’existe pas!
- Il est systémique!
- Non il n’est pas systémique!

Et si les deux millions de mendiants modernes du Québec, fruit d’un acharnement systématique du gouvernement sortent dans les rues et exigent leur part de bonheur? Comme l’écrivait le poète Y. Sebti.

Quelqu’un viendra de très loin / Et réclamera sa part de bonheur / Et vous accusera d’un malheur.

mardi 7 février 2017

Qui a crée le monstre?



Qui a crée le monstre?

«Ceux qui vous font croire des absurdités peuvent vous faire commettre des atrocités - Voltaire»
  
Le mal est fait, le ver est dans le fruit, le virus est dans le corps de la société, inoculé par des apprentis sorciers qui sévissent dans la Province à tous les niveaux de responsabilité depuis les dirigeants du gouvernement jusqu’aux capitaines de l’industrie médiatique en passant par tous les groupes extrémistes de tous bords. Il ne faut pas s’en cacher ni plonger sa tête dans le sable. En ce 29 janvier 17, la fissure dans le mur de soutènement de ce qu’on appelle le vivre-ensemble venait soudain de s’élargir, c’est une béance, à présent, elle a englouti, entre morts et blessés, une vingtaine d’êtres humains, laissant sur une rive, des veuves et des orphelins et sur l’autre, une population ébranlée et en état de choc.
 Plusieurs acteurs ont contribué à intoxiquer l’atmosphère de la coexistence pacifique, ils ont empoisonné les grands espaces communs de la respiration démocratique du pays. Le vivre en harmonie est brisé en mille morceaux. Les extrémismes sont décomplexés, c’est dans l’air du temps.
« Quel est le tort du clou ô planche? », écrivait un poète arabe du siècle dernier. J’ai envie de lui répondre maintenant. Il y a bien sûr le marteau, mais surtout la main qui tient le marteau. Et quelle est cette main, me diriez-vous?
Remontons le temps pour essayer de comprendre ce qui a amené un jeune étudiant au-dessus de tout soupçon à commettre l’irréparable, le crime le plus abject de la capitale nationale, assassiner des citoyens paisibles sur leur lieu de culte. Un acte barbare qui marquera à jamais la société québécoise.
Plusieurs mains, en fait, ont tenu le marteau. Convoquons, en premier lieu, les médias. Depuis au moins les travaux de la commission Bouchard-Taylor, (une dizaine d’années), le traitement médiatique réservé à cette fameuse « communauté » ou plutôt aux activités de quelques militants activistes agitées qui s’appellent représentants autoproclamés des musulmans, imams et prédicateurs est stupéfiant. Pour une «communauté» ultra minoritaire (3,2% de la population selon Statiques Canada), c'est une réussite totale. Le jackpot ! Elle occupe les médias, journaux, radios et télévisions quasiment tous les jours. Mettre en Une de tous les journaux, et à l'ouverture de tous les bulletins d'information des télévisions le même sujet et les mêmes protagonistes, est un exploit exceptionnel.
Le volume de nouvelles alarmistes qu’ils déversent sur les têtes des citoyens est incalculable. Le matraquage médiatique sur une longue période se focalisant sur une infime partie de la société, ciblant une fantomatique « communauté » islamique, frappée d'un chômage endémique qui touche les jeunes et les vieux, les techniciens et les universitaires. Une « communauté » pauvre et misérable dont l’influence politique est insignifiante. On ne lui connaît aucun groupe de pression qui, au sein du gouvernement, défend leur cause, ni aucun lobby dans la société en dehors de ces fausses questions d'accommodements religieux, une diversion qui ne dit pas son nom, parce que les accommodements ne font pas vivre son homme. Elle n’a aucune personnalité d'envergure dans le milieu des affaires, ni dans le milieu des arts, ni dans l'industrie, ni dans les finances, ni dans le show-business, ni dans les grands médias, qui puisse faire la promotion du pauvre immigrant arabe ou musulman. Ni des élus municipaux, ni des élus provinciaux, ni des élus fédéraux distingués qui peuvent défendre réellement les vraies affaires de ces citoyens. J’y reviendrai.
Le matraquage médiatique, donc, sur la durée laissera des traces et, parfois, des convictions profondes dans l’esprit du citoyen lambda, celui qui n’a pas le temps, ni les moyens, ni l’intérêt de vérifier par lui-même la véracité de ce qu’il entend et lit dans les médias. Ce travail de titans que les mass-médias abattent tous les jours pour mettre à nu, exposer et présenter les activités d’une frange engagée et militante de cette « communauté » a finalement donné ses « fruits ». Mettre dans le même panier sans distinction les islamistes activistes et l’ensemble des membres de cette « communauté » est un raccourci que beaucoup de journalistes empruntent allègrement, par ignorance ou par penchant idéologique, d’où la confusion et les fameux amalgames qui ont caractérisé le traitement médiatique de ces mêmes questions en Europe.
Les experts et les spécialistes de la question ou des questions de la radicalisation, de l’immigration, de l’islam, de l’islamisme et plus savaient tous qu’un attentat majeur aller frapper le Canada. Ils disaient : ‘Ce n’est pas si un attentat arrivera chez nous, mais quand, parce qu’ils étaient certains de son avènement. Et les gens à leur écoute comprenaient qu’il s’agirait d’un attentat islamiste, mais les véritables chercheurs savaient, eux, que les groupes islamistes organisés sous la houlette des frères musulmans ou des salafistes ne privilégient pas ce genre de pratiques. Leur credo c’est d’islamiser la société à la base et sans violence. Les attentats sont plutôt l’œuvre de quelques courants takfiristes comme Al Qaida et Daech. Les médias avaient donc préparé les citoyens à un éventuel acte terroriste, mais quand cela est arrivé, ils ont parlé d’un terrorisme à l’envers. C’est dire le degré de conditionnement, même un journaliste chevronné est tombé dans le panneau.
Les médias lourds et légers dans leur globalité cèdent au sensationnalisme au lieu d’une démarche informationnelle saine, honnête et responsable. Il y a deux ans, j’écrivais ceci :
Avant d'aller plus loin, clarifions quelques éléments qui semblent équivoques afin de dépasser les positions tranchées et tranchantes et pour, disons-le, tempérer les ardeurs des uns et des autres, éviter d'éventuels malentendus, et dissiper de probables incompréhensions. Mettons tout de suite la problématique de l'islam politique au Canada en perspective. Rassurons-nous : l'Émirat islamique du Québec n'est pas pour demain. Ce sont les chiffres qui le disent: selon Statistiques Canada (2011), les musulmans représentent 3,2% de la population totale du Canada et c'est à peu de choses près le même pourcentage au Québec. 
Deux forces agissent dans la même direction, les mass-médias toutes tendances confondues et les promoteurs de l’islam politique. Ils veulent coûte que coûte essentialiser et communautariser les immigrants issus de pays arabes et musulmans, les premiers par sensationnalisme ou obéissant à des directives politiques émanant des hautes instances du pays pour un multiculturalisme heureux et les seconds par conviction et militantisme. Ces deux forces majeures semblent travailler en tandem, la première a réussi à diaboliser cette frange de la population du pays et la deuxième essaye encore jusqu’à aujourd’hui de la chapeauter et de la diriger.
Cette œuvre commune de vacarmes sectaires et de vociférations communautaires exaspère les messieurs Tout-le-Monde, les lambdas de ce pays. Le citoyen du quotidien excédé et submergé par l'agitation des minorités bruyantes, les engagés extrémistes, enragés et enrageants, les prosélytes qui occupent l'espace médiatique avec leurs préoccupations célestes, leurs revendications vestimentaires grotesques et leurs idéologies d'un autre temps, se radicalise lui aussi, mais dans l’autre direction.
Convoquons ensuite le gouvernement. Qu’a-t-il fait de concret pour éviter ce genre de drame? Quel programme a-t-il mis en œuvre pour protéger cette malheureuse frange de la société? Je n’aurai qu’à citer des extraits d’un article de la journaliste Tania Longpré pour démontrer son échec lamentable. 
Des gens qui quittent biens, familles et carrières à l’étranger et qui réalisent que la vie de rêve québécois qu’on leur vend n’est que du vent, c’est un échec. Des gens issus de l’immigration économique qui font la file aux banques d’aide alimentaire, c’est un échec. Des médecins, des dentistes et autres spécialistes qui apprennent que leurs diplômes ne sont pas reconnus, c'est un échec. Des professionnels sélectionnés pour leurs diplômes qui doivent reprendre la totalité de leurs études, c'est un échec. Des gens scolarisés au chômage durant plusieurs mois, voire plusieurs années, c'est un échec. Un taux de chômage de plus de 20 % chez les Maghrébins francophones à Montréal, c’est un échec. Un marché du travail fermé aux nouveaux arrivants, c'est un échec. Des quartiers de Montréal qui se transforment lentement mais surement en ghettos, c’est un échec. Du corporatisme à outrance dans plusieurs ordres professionnels, c’est un échec. Des gens qui perdent leur statut social en arrivant ici, c'est un échec. Des comptables étrangers qui travaillent à découper des poulets dans une usine, c’est un échec. Des immigrants qui votent en bloc pour le parti libéral, c’est un échec.
Une « communauté » aux abois, livrée à elle-même et à la portée de tous les charlatans, d’un côté et un aboiement continuel et démentiel de l’autre créent la paranoïa dans la société et poussent quelques faibles d’esprit à commettre l’irréparable.
Pour rebâtir des ponts et pour retrouver la paix et la sérénité dans notre société, pour l’épanouissement de cette « communauté » et pour son intégration harmonieuse et pour panser ses blessures, le gouvernement est dans l’obligation d’agir et vite. Il doit trouver des réponses aux questions soulevées plus haut et remédier à toutes ces carences
Les victimes de l’attentat du centre culturel islamique de Québec. Paix à leurs âmes.
Azzeddine Soufiane, 57 ans, Maroc, père de trois enfants. Abdelkrim (Karim) Hassane, 41 ans, Algérie, père de trois enfants. Khaled Belkacemi, 60 ans, Algérie, père de trois enfants. Aboubaker Thabti, 44 ans, Tunisie, père de trois enfants. Mamadou Tanou Barry, 42 ans, Guinée, père de quatre enfants. Ibrahima Barry, 39 ans, Guinée, père de quatre enfants.