lundi 14 mars 2022

L’emprisonnement de mon concitoyen canadien et mon compatriote algérien, « Monsieur Lazhar »

La semaine dernière, la communauté algérienne du Québec (Canada) a appris, avec stupéfaction et consternation, la nouvelle de l’arrestation en Algérie de monsieur Lazhar Zouaimia, un citoyen canadien d’origine algérienne. Une nouvelle diffusée dans la plupart des médias du Québec et du monde. Le journal Le Devoir titrait ainsi son article : « Un citoyen canadien arrêté en Algérie pour délit d’opinion ».

Qui est donc monsieur Lazhar et qu’a-t-il fait de si grave pour mériter l’incarcération dans son pays d’origine?

Natif de la même ville Sedrata que monsieur Lazhar Zouaimia, je le connais depuis son jeune âge. Il est issu d’une famille de résistants qui a participé à la guerre de libération contre le colonialisme français. Les Zouaimia sont connus, aussi, dans notre ville et dans le reste du pays par leur engagement dans les luttes sociales et dans la défense des libertés démocratiques.

Monsieur Lazhar Zouaimia, élève brillant selon ses camarades et ses professeurs, il a eu son baccalauréat en 1986. Il a poursuivi ses études supérieures à l’institut de télécommunication d’Oran (Algérie) et recruté après sa formation par la société d’État les PTT (Poste et Télécommunication). Il a assumé la responsabilité du montage et de la réparation des appareils de télécommunication au niveau des relais de transmission dans toute la région est algérienne. Il a accompli cette mission durant la guerre civile (1990-2000) où il risquait sa vie à chaque sortie sur le terrain.

La situation étant instable et dangereuse en Algérie, il a commencé à envisager une immigration en pensant surtout à l’avenir de son fils Mehdi. Monsieur Lazhar Zouaimia s’est tout de suite intégré à la société québécoise et cela dès son arrivée au Canada en 2003. Il s’est installé avec sa petite famille à Montréal, la grande métropole du Québec. Il a par la suite entrepris des démarches (lui et sa femme) pour trouver du travail et se rendre utile à sa nouvelle société. Engagé par la grande société d’État Hydro-Québec, il n’a pas hésité à accepter un poste de travail dans le Grand Nord du Québec, pendant que sa femme décrochait un poste de professeur de mathématique dans la région de Montréal.

Monsieur Lazhar, animé par de grands idéaux de justice et de liberté, il s’est rapproché des organismes qui défendent ces principes. C’est ainsi qu'il s’est retrouvé, tout naturellement, dans les objectifs et la mission d’Amnistie internationale. Il en est devenu un élément actif, participant à ses activités de solidarité avec les détenus d'opinion et dénonçant l’arbitraire et l’injustice partout dans le monde. Madame Louise Maurice d’Amnistie internationale Rive-Sud s’indignait ainsi de son arrestation : « Nous avons un ami en péril, un défenseur actif des droits humains. Il était très touché par tout ce qui concernait la liberté d’expression, le droit aux rassemblements pacifiques. Nous avons travaillé sur plusieurs campagnes importantes ensemble et de le savoir emprisonné est insupportable ». Robert Claveau, président du syndicat des technologues d’Hydro-Québec affirmait pour sa part que Lazhar Zouaïmia « est un citoyen engagé auQuébec et un salarié exemplaire de la société d’État »2. Monsieur Lazhar « est un homme intègre, droit, authentique, juste et très généreux, toujours prêt à se rendre utile et à exprimer concrètement sa solidarité avec le démuni, les persécutés et avec toute personne subissant l’injustice », disait son compatriote et ami d’enfance Aziz Bechiri. Madame Fatima sa conjointe, dans une lettre ouverte fort émouvante, confirmait tous ces témoignages : « Lazhar est un père de famille dévoué. Un homme affectueux, attentionné, ouvert d’esprit, responsable, sincère et toujours à l’écoute de mes préoccupations ». Sarah, sa fille, qui vient de fêter ses 18 ans, abondait dans le même sens en reconnaissant en son père, l’homme qui l’inspire et qui lui a inculqué les valeurs de la solidarité et de la défense « des droits et libertés de tous ».

Monsieur Lazhar, c’est aussi un homme de culture, un grand amoureux des arts et de la littérature. Il ne ratait jamais les événements culturels de la diaspora algérienne. Il ne faisait pas qu’assister à ces activités, mais il se proposait, aussi, à titre de bénévole, pour aider dans l’organisation.

C’est, donc, ce véritable citoyen modèle, ce véritable monsieur Lazhar qui a été arrêté en Algérie sous de fallacieuses accusations d’apologie du terrorisme. L’ironie du sort c’est qu’il est allé en Algérie pour faire une bonne œuvre charitable, offrir aux habitants de sa ville natale une fontaine publique qu’il a aménagée par ses propres moyens. Un don fait à sa communauté à la mémoire de son fils Mehdi (décédé au Canada, il y a quelques mois, à l’âge de 21 ans), pour que sa ville natale garde un souvenir de son passage sur la terre de ses ancêtres.



Salah El Khalfa Beddiari

Écrivain et membre du C.A. du centre québécois du P.E.N. international