jeudi 3 décembre 2015

Lettre au Maire Coderre



Montréal, le 01 décembre 2015


 Bonjour Monsieur Coderre,

J’ai appris à travers la presse que vous avez engagé une personne à 1800$ par jour pour assurer la coordination de votre comité d’accueil des réfugiés syriens. J’aimerais bien contribuer à vos travaux, étant moi-même un ex-réfugié. Arrivé au Canada en 1995, je connais très bien la problématique des nouveaux arrivants.

En effet, ces dernières années, j’ai travaillé pour plusieurs organismes d’aide aux immigrants et aux réfugiés, comme le Centre d’Études Arabes pour le Développement (CEAD), Alternatives, CEDA. J’ai moi-même fondé des organismes pour l’intégration des nouveaux arrivants comme le centre canadien d’échanges linguistiques.

Je suis bénévole depuis plusieurs années dans l'accueil des nouveaux-arrivants (immigrants, réfugiés, étudiants). Nous avons formé des milliers de personnes dans notre organisme sans grands coûts. Je suis, par ailleurs, écrivain et poète et j’ai une chronique de contributeur au journal le Huffington Post Québec. À titre de travailleur autonome, je collabore également avec plusieurs organismes qui œuvrent dans le domaine du développement culturel et de la coopération internationale comme le PEN, Amnistie Internationale, Alternatives, le CEDA, l’Union des écrivains du Québec, le BICN (Basic Income Canada Network).
Je suis diplômé de l'université de Montréal en études arabes et en études islamiques et en études internationales et je parle plusieurs langues, l’anglais, le français, l’arabe, le berbère et l’espagnol. En plus, je suis le fondateur de l’association des écrivains de la diaspora arabe et berbère au Canada (ADAB) et de l’organisme « Passerelles » qui s’occupe de la promotion des littératures immigrantes. En 2011, j’ai lancé la maison d’édition « Beroaf » qui publie de la littérature générale (Roman, essai, poésie…)

Bref, vous auriez compris que je suis très impliqué sur le plan communautaire, c’est ce qui me permet de vous dire que je saurai accomplir cette tâche d’accueil des réfugiés syriens avec le plus grand professionnalisme.

Il est indécent de payer un coordinateur pour l’accueil des réfugiés 1800$/jour, cette pratique n’est pas loin du népotisme et de la corruption. Je ferai ce travail bénévolement, il ne coûtera rien aux deniers publics si vous engagiez mes services.

En attendant le plaisir de vous rencontrer ou de vous lire, je vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments distingués.

Bien à vous.
SEK Beddiari, écrivain, poète, chroniqueur et professeur

mercredi 2 décembre 2015

Christine la musulmane



Le jour où une jeune étudiante québécoise, appelons-la Christine, a embrassé l’islam. Elle est arrivée voilée à notre huitième rencontre du cours Coran et Hadith (SRL 1210) de la Faculté de théologie et de sciences des religions à l’Université de Montréal, donné par le Professeur Shahram Nahidi à la Session Hiver 2010. Cette transformation avait illuminé le visage de l’enseignant. Il était fier de sa performance, comme s’il avait réalisé l’exploit du siècle.  Ce n’est plus un cours académique que vous donnez là, mais c’est du prosélytisme, dis-je. Vous avez terrorisé Christine durant le dernier cours et voici le résultat. Il n’était pas content de mon intervention, il m’a pris à part pour me donner un rendez-vous à son bureau pour en discuter.
Revenons au fil des événements pour comprendre ce qui a poussé Christine à se convertir à l’islam du voile.

C’était pendant la séance précédente, le septième cours qui traitait de l’eschatologie dans l’islam ou la question de l’au-delà dans le Coran et le Hadith.

Affichant un sourire mur à mur, enthousiaste et l’air triomphant, le professeur entame le cours, en soulignant, d’emblée, la supériorité de l’islam sur les deux autres religions monothéistes dans l’évocation de l’au-delà. La description y est fort détaillée, dit-il. S’affiche alors sur l’écran sa présentation PowerPoint de l’au-delà, du purgatoire, du Jour du Jugement Dernier, du Paradis, de l’Enfer et de l’éternité.

« La chronologie des événements lors du Jour du Jugement Dernier
L’archange Isrâphîl souffle de la trompette (le Coran) deux fois (le Hadith). La première fois, tous ceux qui sont encore vivants meurent (incluant les humains, les djinns?, les animaux, les plantes) et la deuxième fois les tombeaux s’ouvrent et tous les morts ressuscitent (incluant les humains, les djinns? et les animaux).
Le soleil s’éteint, les étoiles s’obscurcissent, les montagnes s’entrechoquent, les océans bouillent et s’assèchent. La terre vomit tous ses trésors, s’aplanit et se recouvre d’une fine poussière blanche. »

Et la page suivante montrait ceci.

«On arrive à un grand désert où tout le monde (juste et injuste) attend la rencontre avec Dieu.
Les poitrines s’ouvrent et toutes les intentions, les pensées, les actions de tous les individus sont mis à nu » […]
« Le Paradis est dévoilé et l’enfer est allumé. […]
Les injustes commencent à se blâmer, à craindre et à souhaiter de redevenir poussière.» […]
«La balance divine est amenée.
Dieu entre entouré de ses archanges et accompagné par ses Messagers. Une infinité d’anges chantent la gloire de Dieu jusqu’à ce qu’il s’assoit sur son trône. […]
Pendant une journée (50 mille ans) tous les individus ressuscités doivent passer devant Dieu pour une rencontre individuelle. Ceux qui pourraient être tentés de nier leurs actions, les membres de leur propre corps témoignent contre eux.»

Après cette terrifiante introduction, le professeur entre dans le vif du sujet en présentant le paradis de l’islam. Je vous donne quelques morceaux choisis.

« Il y a des jardins d’une grande magnificence.
Il y a des ruisseaux d’eau fraîche, du miel, du lait et du vin pur qui n’enivre pas. Ces ruisseaux coulent en dessous du Paradis.
Il y a une fontaine qui s’appelle salsabil. Il y a une fontaine qui s’appelle Kawthar.
Il y a des trônes couverts de coussins brodés de soie verte. Les habitants du Paradis s’habillent d’organza et de soie verte. Il ne fait ni chaud, ni froid. »
Il y a de belles jeunes femmes vierges aux grands yeux comme des perles cachées disposées à se marier avec les hommes du Paradis.
Il y a de beaux jeunes hommes qui tournent autour des habitants du Paradis pour les servir.

Arrive enfin la description de l’enfer pour terroriser ceux qui ne l’étaient pas encore.

« L’Enfer a huit portes. À chaque porte, il y a un gardien qui empêche les habitants de l’Enfer d’en sortir. »
[…]Les anges frappent les doigts et les cous des malfaiteurs.
Il y a l’obscurité partout malgré que beaucoup de feux soient allumés.
Les habitants de l’Enfer remplissent leurs estomacs d’un fruit dégoûtant ressemblant à des têtes de démons provenant  d’un arbre maudit. Ce fruit ne rassasie pas.
Une eau bouillante et putride est versée sur leur tête et ils en boivent. Cette eau continue son ébullition dans leur ventre.
Chaque fois que leur peau est brûlée, une nouvelle peau prend sa place afin que la souffrance dure encore et toujours. »

Comme ce n’était pas suffisant, il ajoute.

« Toutes sortes de tortures sont  infligées. Exemple : être  suspendu par les cheveux et  les seins ou la barbe; être  obligé de manger sa propre  chair ou la chair des autres, être frappé partout, avoir soif et  faim en permanence, avoir les  yeux crevés par du métal  brûlant, etc.»

À la question pourquoi il n’a pas introduit dans son cours les opinions et les avis critiques comme dans l’étude du Judaïsme et du Christianisme, pourtant il n’en manque pas dans la tradition islamique depuis al-Mawardi jusqu’à Mahmoud Mohamed Taha en passant par les penseurs et philosophes arabes et musulmans comme Al Kindi, Abul ʿAla Al-Maʿarri ,  Ali Datchi, Taha Hussein, Nasr Hamid Abu Zayd sans parler de tous les islamologues orientalistes. La réponse pour lui résidait dans l’approche postmoderniste de sa faculté. Nous enseignons l’islam tel qu’il est perçu par les croyants de cette religion. Tout est dit, l’aspect rationnel dans le traitement de cette matière est évacué ce qui donne des Christine voilées persuadées qu’ainsi elles éviteraient les affres de l’enfer islamique.

lundi 30 novembre 2015

Il y a deux ans sortait ''Le Joueur''.




Les opinions de la critique étaient tranchées comme l’appréciation du public, une très mince minorité criait au chef-d'œuvre et la grande majorité appelait à l’interdiction d’un brûlot anti-vitaliste criant, qualifiant la dramatique d’une supercherie vertigineuse qui n’aurait aucun rapport avec l’art. Une imposture qui corromprait les saines valeurs du théâtre, une insulte à l’intelligence de nos dramaturges, vociférait-elle.

Et voici quelques échantillons de réactions que l’œuvre théâtrale a suscitées. On pouvait lire dans «La Gazette», un organe conservateur progressiste, cette appréciation malheureuse : «de l’anti-vitalisme primaire, ‘‘Le Joueur’’ est une production à bannir de nos théâtres, ce paganisme teinté de nihilisme de bas étage n’apportera que désolation et ravage parmi les citoyens et n’agira que négativement sur leur âme profonde. »

«L’Étincelle», un quotidien qui se dit indépendant titrait, après tout le tapage de l’affaire des disparitions, dans sa une : «Audacieuse, mais dangereuse». Prenant à partie l’argumentaire de la liberté d’expression : «rappelons-nous le réalisme des bas-fonds qui, derrière le rideau rouge, prétendait libérer l’humain, mais qui, par son lyrisme lénifiant et son apologie déguisée du naturalisme pur et bête, a retardé l’affranchissement des peuples de dizaines d’années.»

Le chroniqueur culturel de l’hebdomadaire «L’Actualité» nuance son jugement en revendiquant et en accordant la liberté de créer aux auteurs. Il avoue, toutefois, que « le spectacle a un je ne sais quoi de subversif qui agit sur le moral d’une manière souple et subtile. Il y a dans les répliques des personnages un parfum irréductible d’inhérence rebelle et insidieuse qui s’immisce dans tous les interstices de notre cerveau, l’invitant à croire, le séduisant par des déclamations chaudes et sentencieuses qui s’apparentent à des combinaisons de logique mathématique ». Ce parfum délicat et discret joue une partition dans notre tête finement réglée et bien agencée qui travaille au relâchement de l’éveil de notre for intérieur et de nos sens et les récupère en vue de les coloniser, conclut-il.

«C’est une brume qui nous enveloppe et nous transporte dès que l’on cède à l’alchimie des mots du jeu», commente l’éditorialiste de «La Patrie» ajoutant que la pièce est une tragédie qui nous interpelle et nous ouvre portes et fenêtres sur l’insondable appel de la vie. Il prend la défense des auteurs en argumentant que leur création n’est, après tout, qu’un petit jeu, une petite fantaisie, mais il reproche au metteur en scène son approche déconstructiviste et négativiste qu’il estime racoleuse et peu respectueuse des valeurs de la société.

Les autres périodiques, surtout les locaux n’ont écrit que de brèves recensions, annonçant la date des représentations et résumant son contenu en deux ou trois lignes, reprenant à leur compte presque mot à mot le texte du synopsis. Enfin, certains feuillistes, paresseux ou dépourvus de sensibilité esthétique, ont reproduit les opinions des uns et des autres selon leur vassalité à l’autorité artistique du moment.

Une seule appréciation ouvertement positive, disons dithyrambique dans l’hebdomadaire « L’Alternative » (Le « Joueur » avait émis des réserves sur l’emploi de cet adjectif, il recommandait dans son récit de l’éliminer à jamais de la langue.) La journaliste avait suivi la troupe de théâtre à travers les villes du pays. Elle avait reconnu comme tous les autres critiques et spectateurs que l’ouvrage dégageait une étrange flaveur d’une facture féerique. «Un égaiement épidémique se répandait dans la salle et touchait l’ensemble de l’assistance. L’impétueuse fraternité qui saisit cette dernière était un élément tangible, d’un coup, des individus qui ne se sont jamais vus entrent en communion et ressentent le même besoin de sympathiser les uns avec les autres, animés par le même élan et le même esprit à fusionner, expérimentent les mêmes sensations, évoluent dans un même champ d’attraction et de gravitation, ils créent, en quelque sorte, de l’élévation ontologique. Attirés les uns aux autres, ils reprennent en chœur les textes et les parades des interprètes qui leur procurent d’agréables impressions d’intelligence et de sublimes dispositions à embrasser l’air du prochain.»

Elle a décrit l’effet que la pièce produisait sur l’auditoire comme une bouffée d’air frais qui parvient à une équipe de mineurs piégés dans un puits à des centaines de mètres sous terre. Elle reconnaissait non moins que « l’ambiance des planches était nettement contagieuse, elle causait à l’instar des stupéfiants un effet d’euphorie quasi psychédélique.» «C’est une sensation de flottement qu’éprouvait chaque spectateur. Il planera dans un état neuf d’une renaissance perpétuelle dont les dimensions relationnelles s’élargiront jusqu’à englober la grâce et l’émerveillement », conclut-elle.

Quant aux grands holdings de la presse, furieux et consternés ils appelaient dans leurs publications à l’arrêt sans différer d’un numéro décadent et à son interdiction pure et simple. Ils invoquaient les graves troubles qu’elle a causés aux citoyens par sa désinvolture et son manque flagrant de respect de la foi des croyants. Ils ont réussi à suspendre la pièce, mais nous espérons que ce ne sera pas pour longtemps. La mobilisation de larges pans de la société aura gain de cause tôt ou tard.

dimanche 22 novembre 2015

Le voile, son histoire par M. Kacimi

Le voile, son histoire



Depuis des années, tout le monde parle du voile, de plus en plus de personnes portent le voile, pas seulement à Bamako ou au Caire, mais aussi à Londres, Paris ou New York.
Symbole religieux ou signe religieux? Que signifie ce carré de tissus qui met la planète en émoi?
Intrigué par autant de questions, j'ai décidé de consacrer quelques semaines de mes vacances à compulser  les livres d'histoire religieuse pour remonter aux racines du signe, pour ne pas dire du mal.
Et là, en remontant au plus loin des traces écrites des civilisations antiques, en fouillant dans les annales des histoires sumériennes, j'ai  découvert avec stupéfaction que le voile découle à l'origine d'une illusion optique.
En effet, une croyance sémitique très ancienne attestée en Mésopotamie, considérait la chevelure  de la femme comme le reflet de la toison pubienne!

«Les prostituées ne seront pas voilées»

Donc, il a fallu très tôt lui couvrir la tête, afin de lui occulter le sexe! Cette croyance était si répandue dans les pays d'Orient, notamment en Mésopotamie, qu'elle a fini par avoir force de loi.
Aussi, le port du voile est-il rendu obligatoire dès le XIIe siècle avant J.-C. par le roi d'Assyrie, Teglat Phalazar Ier:
«Les femmes mariées n'auront pas leur tête découverte. Les prostituées ne seront pas voilées.»
C'était dix-sept siècles avant Mahomet et cela se passait en Assyrie, l'Irak d'aujourd'hui.
Dans la Bible hébraïque, on ne trouve aucune trace de cette coutume, cependant la tradition juive a longtemps considéré qu'une femme devait se couvrir les cheveux en signe de modestie devant les hommes.

Le voile comme instrument de ségrégation pour l'Eglise

Il faudra attendre l'avènement du christianisme pour que le voile devienne une obligation théologique, un préalable à la relation entre la femme et Dieu.
C'est saint Paul qui, le premier, a imposé le voile aux femmes en avançant des arguments strictement religieux. Dans l'épître aux Corinthiens, il écrit:
«Toute femme qui prie ou parle sous l'inspiration de Dieu sans voile sur la tête, commet une faute identique, comme si elle avait la tête rasée. Si donc une femme ne porte pas de voile, qu'elle se tonde; ou plutôt, qu'elle mette un voile, puisque c'est une faute pour une femme d'avoir les cheveux tondus ou rasés.»
Et plus loin:
«L'homme, lui, ne doit pas se voiler la tête: il est l'image et la gloire de Dieu, mais la femme est la gloire de l'homme. Car ce n'est pas l'homme qui a été tiré de la femme, mais la femme de l'homme, et l'homme n'a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l'homme. Voilà pourquoi la femme doit porter sur la tête la marque de sa dépendance.»
L'Eglise s'en servira à l'égard des femmes, pour les considérer comme des créatures inférieures par nature et selon le droit.
On voit qu'à l'origine, le voile est utilisé comme un instrument de ségrégation qui fait de la femme un être inférieur, non seulement vis-à-vis de l'homme mais aussi de Dieu.
Il est intéressant de noter que ce passage des Corinthiens est repris aujourd'hui par la plupart des sites islamistes qui font l'apologie du foulard.

Et dans l'islam?

Sept siècles plus tard naît l'islam. Le Coran consacre au voile ces passages:
«Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu'elles rabattent leur étoffe sur leurs poitrines.» Coran (24: 31)
Enfin dans la sourate 33, Al-Ahzab (les Coalisés), au verset 59, il est dit:
«Prophète! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles de grandes étoffes: elles en seront plus vite reconnues et éviteront d'être offensées.» Coran (33 : 59)
Sans vouloir être aussi pointilliste que les orthodoxes, je ferai remarquer que nulle part dans ces sourates, il n'est fait explicitement mention de voile (hijab) recouvrant le visage, cachant les cheveux et encore moins tout le corps.
Dans la première sourate, le Coran appelle simplement les croyantes à recouvrir leurs poitrines. La très sérieuse Encyclopédie de l'Islam (éd. Leyde) apporte cette explication:
«Dans l'Arabie préislamique, une coutume tribale voulait que durant les batailles, les femmes montent en haut des dunes et montrent leurs poitrines à leurs époux guerriers pour exciter leur ardeur au combat et les inciter à revenir vivants afin de profiter de ces charmes.»
Le verset en question aurait été inspiré au Prophète pour instaurer un nouvel ordre moral au sein des tribus. Quant au deuxième verset, il a fait l'objet de maintes lectures et controverses, la plus intéressante étant celle d'un grand imam qui, à l'âge d'or de Bagdad, au IXe siècle, en fit cette originale lecture:
«Le Seigneur n'a recommandé le voile qu'aux femmes du Prophète, toute musulmane qui se voilerait le visage se ferait passer à tort pour la sienne et donc sera passible de 80 coups de fouet.»
Le voile est resté depuis le signe distinctif des riches citadines et demeura inconnu dans les campagnes où les hommes ne songeaient pas à voiler les femmes en raison des travaux qu'ils leur confiaient.

Un avant et après «Révolution iranienne de 1979»

C'est la Révolution iranienne de 1979 qui entraîne la généralisation du voile. Le hijab, innovation sortie tout droit de la tête des tailleurs islamistes, a supplanté dans les pays du Maghreb le haïk traditionnel, un carré de tissu blanc.
Bien sûr, ce sont là les signes d'une société arabo-musulmane en crise, sans projet, sans perspectives, soumise à des régimes totalitaires et qui n'a pour unique espace de respiration, d'utopie, que la religion.
Pierre Bourdieu expliquait que dans l'Algérie coloniale, l'homme colonisé renvoyait sur la femme toute la violence subie de la part du colonisateur. Désormais, l'homme musulman renvoie sur la femme tout le chaos que lui fait subir la crise planétaire.
Dans ces pays sans libertés, l'islamisme fonctionne comme une eschatologie. Il efface toutes les aspérités de la vie pour ne faire miroiter que les plaisirs de «son vaste paradis».

L'islam à l'origine: une religion d'Etat et de conquête

Ici se pose également la question de la place de l'islam chez l'Autre. Contrairement au judaïsme qui s'est forgé dans l'exil, au christianisme qui s'est inventé durant les persécutions, l'islam est venu au monde comme une religion d'Etat et une religion de conquête.
Il n'a pas été souvent minoritaire et la place qu'il a accordée aux autres religions n'a pas été un exemple de tolérance. Et qu'on en finisse également avec cette parité des signes religieux.
A Rome ou à Jérusalem, on ne lapide pas ceux qui ont oublié leur croix ou leur étoile de David, en revanche, de Téhéran à Khartoum, de Kaboul à Casablanca, chaque jour des femmes sont violées, vitriolées, assassinées, fouettées ou licenciées parce qu'elles ne se sont pas couvert le visage et le corps.
Le hijab est l'effacement et l'abolition virtuels de la femme. Tous les écrits fondamentalistes l'affirment, «le voile est obligatoire car il doit cacher la aoura (parties du corps) de la femme».
C'est-à-dire que tout son corps est perçu comme une partie honteuse. Le hijab joue la fonction que lui a assignée Paul, il y a deux mille ans: signifier à la femme en public qu'elle est un être inférieur, bonne à museler.
Toute fille pubère est donc perçue comme une partie honteuse. Elle est éduquée pour se percevoir, depuis l'âge de 8 ans, comme un objet sexuel potentiel qui doit être dérobé aux yeux de la foule concupiscente.
Derrière chaque voile, il y a trois mille ans de haine envers la femme qui nous regarde.
Mohamed Kacimi 
Romancier algérien, auteur notamment de La confession d'Abraham (Ed Folio Gallimard - 2012)