La
stupidophobie
Le juteux marché
de la victimisation où la revanche de la majorité silencieuse
Les monsieur-tout-le-monde,
les lambdas de ce pays, le citoyen du quotidien, exaspérés par tant de vacarmes
sectaires, excédés par tant vociférations communautaires, submergés par l’agitation
des minorités bruyantes, les engagés, enragés et enrageants, les prosélytes qui
occupent l’espace médiatique avec leurs préoccupations célestes, leurs
revendications vestimentaires grotesques et leurs idéologies d’un autre temps,
se rebiffent.
Tel est le cas de Jacques,
un jeune trentenaire, que j’ai croisé dernièrement dans mon petit café du Sud-ouest,
je vous livre l’essentiel du contenu de notre entretien.
Mon nom ne laisse
aucun doute sur mes origines. « Vous êtes musulman, plutôt affirmatif
qu’interrogatif », déduit-il. Oui et non, j’appartiens à cette culture,
mais je ne suis pas croyant. Je suis Québécois d’adoption et Canadien de
citoyenneté. « Vous n’êtes pas croyant, mais musulman. » Je suis plutôt
athée, insisté-je. « Oui, athée, mais musulman. » J’ai baissé la
garde. « Savez-vous ce qui m’agace dans toute cette histoire, se plaignit-il? »
Sans attendre ma réponse, il dit : « c’est l’idée qu’on propage sur les Québécois qu’ils sont
des racistes. »
J’en ai ras le bol
et le casque et la casquette de tous ces groupes qui ne cessent de revendiquer
des privilèges et des accommodements de toutes sortes. Il pense que ce sont des
formes de chantages qu’ils exercent sur la société en mettant en avant leurs appartenances
confessionnelles et ethniques. Il en a par-dessus la tête de ces groupuscules
qui le désignent coupable et qui le soupçonnent de manque d’empathie et
d’indifférence vis-à-vis de leurs souffrances morales passées, présentes et
celles à venir.
Ce sont toujours
quelques groupes religieux intégristes de juifs, de musulmans, de chrétiens qui
empoisonnent l’atmosphère avec leurs agitations nauséabondes, ils demandent des
accommodements à la majorité silencieuse pour soi-disant vivre leur foi dans le
respect des commandements de leur religion. Ils exigent qu’ils soient reconnus
et respectés. « Est-ce que je leur ai demandé, moi, de respecter mon
nudisme? Ai-je hurlé dans des manifestations contre la nudophobie, les ai-je
qualifiés de nudophobes et les ai-je accusés de racisme? »
Il dit : tu
es tranquille chez toi en train de siroter ta tisane et les voilà qui viennent
frapper à ta porte. « Monsieur, vous n’aimez pas les étrangers?» Mais de quels étrangers s’agit-il? «De tous les
étrangers? Je ne connais aucun étranger pour le haïr. Mais alors vous n’avez
aucune sympathie envers les étrangers. Et le verdict tombe : Vous êtes
xénophobe!
Et l’autre groupe
dont le représentant est toujours invité à la télévision. Il m’interpelle
depuis cette lucarne. Vous n’aimez pas les juifs? Vous êtes judéophobe et
antisémite. J’ai bien crié que je ne connais aucun juif pour le haïr. Vous êtes
tout de même judéohobe parce que vous n’avez pas montré assez de sympathie
envers notre minorité.
Un autre arrive et
nous lance en pleine face ma femme et moi. Vous avez l’air de ne pas aimer les
homosexuels, vous êtes homophobes. Et d’autres encore qui me sollicitent pour
signer leurs pétitions sinon je suis islamophobe, négrophobe, que sais-je!
Et si la majorité
des citoyens se fâche et commence à lancer ses propres organismes de lutte
contre le machin-truc-phobie. On aura donc, pour juste les emmerder des
instances pour dénoncer les tranquilophobes, les laïcophobes, les athéophobes, les
libertophobes, les nudophobes, les christo-phobes, les bouda-phobes, les occidentalo-phobes,
les démocrato-phobes, les philo-phobes, les arto-phobes.
Connaissez-vous
l’origine de cette phobie-mania? Le bal a commencé lorsqu’un groupe
ethnico-religieux, bien implanté dans les instances dirigeantes de quelques
démocraties occidentales, a eu l’ingénieuse idée d’instituer le concept de
machin-truc-phobie pour culpabiliser le reste des citoyens de leur pays en les
interpellant et les sommant de se prononcer sur le degré d’amour et de
sympathie qu’ils portent au machin-chose.
C’est une approche
insidieuse basée sur la culpabilisation du citoyen qui n’a des fois et au
fond aucune idée sur la signification du
suffixe «phobie». Il est informé du corps du délit puis accusé dans le même élan
de machin-chose-phobie. Il a beau crier pour se défendre qu’il ne savait pas,
qu’il n’était pas au courant, qu’il n’avait pas le temps de détester qui que ce
soit. Mais monsieur lambda est coupable jusqu’à ce qu’il prouve son innocence,
son procès est instruit en amont parce que nul n’est sensé ignorer la
souffrance des autres ou d’avoir une peur irraisonnée du machin-truc. Vous êtes
islamophobe, judéophobe, homophobe, arabophobe, sinophobe, xénophobe, claustrophobe.
On met le citoyen sur la défensive, il doit démontrer qu’il aime bien le machin-truc.
Il jure par tous les noms d’oiseaux et des dieux de toutes les religions qu’il
n’avait jamais pensé haïr quelqu’un ou
quelque chose en dehors de la guerre. Il se retrouve dans une position
dangereuse de se justifier. Pourquoi a-t-il une peur irraisonnée des juifs, des
musulmans, des Haïtiens, des Chinois, des Arabes, des crabes etc..?
Montrez-nous disent les nouvelles que vous n’êtes pas animalo-phobe?
Message reçu cinq
sur cinq, lui dis-je. Et que pensait-il d’un mouvement de lutte contre la
stupidophilie. Entièrement d’accord, dit-il. Allons, donc, fonder le front du
refus global de la stupidité ambiante.