Présentation du recueil « La mémoire
du soleil »
« La mémoire du soleil » (2000) est le
premier recueil de poésie de Salah El Khalfa Beddiari, un auteur algérien
installé à Montréal. Ce recueil est une œuvre poignante qui explore les thèmes
de l'exil, de la mémoire, de la douleur et de l'espoir, tout en rendant hommage
aux victimes des violences politiques en Algérie durant les années 1990. À
travers une écriture poétique riche et évocatrice, Beddiari tisse un lien entre
son passé algérien et sa nouvelle vie au Québec.
1. « L'exil et le déracinement »
« La
mémoire du soleil » est profondément marqué par la douleur de l'exil.
Beddiari y exprime la souffrance d'être arraché à sa terre natale, l'Algérie,
et de devoir reconstruire sa vie ailleurs. Le soleil, symbole central du
recueil, incarne à la fois la chaleur des souvenirs d'enfance et l'éloignement
douloureux de cette terre perdue. L'exil est vécu comme une déchirure, un vide
que seule la mémoire peut combler.
2. La mémoire et le souvenir
La mémoire
joue un rôle fondamental dans ce recueil. Beddiari revisite des souvenirs
d'enfance, des paysages lumineux d'Algérie, des moments marquants de sa vie
avant l'exil. Le soleil devient une métaphore récurrente pour évoquer ces
souvenirs brûlants qui illuminent le passé tout en soulignant l'absence dans le
présent.
3. La violence et la guerre civile
algérienne
« La
mémoire du soleil » est également un témoignage poignant sur les horreurs
de la guerre civile algérienne des années 1990. Beddiari dénonce les massacres,
la répression politique et les violences qui ont ravagé son pays natal. Il rend
hommage aux intellectuels, poètes et journalistes assassinés pendant cette
période sombre, tout en exprimant sa révolte contre l'obscurantisme religieux
et la barbarie.
4. L'amour pour la terre natale
Malgré la
douleur de l'exil, Beddiari exprime un amour profond pour son Algérie natale.
Cet amour se manifeste à travers des descriptions poétiques des paysages
algériens — le désert, les montagnes, la mer Méditerranée — mais aussi à
travers ses souvenirs personnels liés à sa famille et à ses amis restés au
pays.
5. La quête identitaire
Dans ce
recueil, Beddiari interroge son identité en tant qu'immigrant au Québec. Il se
retrouve tiraillé entre deux mondes : celui qu'il a quitté (l'Algérie) et celui
où il tente de s'intégrer (le Québec). Cette quête identitaire est omniprésente
dans ses poèmes, où il cherche à se réconcilier avec ses origines tout en
s'adaptant à sa nouvelle réalité nord-américaine.
Structure du recueil
Le recueil est divisé en plusieurs sections intitulées
"mémoires" (Mémoires du désir, Mémoires diffractées, Mémoires
éphémères et Mémoire épistolaire), chacune déclinée en adjectifs féminins tels
que « la Fabuleuse », « la Fertile », « la Fugace »,
etc. Chaque section contient des poèmes dédiés à des personnes chères à
l'auteur — amis proches ou disparus tragiquement en Algérie — renforçant ainsi
le lien intime entre la poésie et la mémoire personnelle.
Style poétique
Salah El Khalfa Beddiari adopte une écriture poétique
à la fois lyrique et engagée. Son style est marqué par une grande sensibilité
aux mots et aux images, avec un souci constant pour la musicalité du vers. Il
mêle habilement prose poétique et vers libres pour exprimer ses émotions
complexes liées à l'exil et à la perte. Chaque mot semble pesé avec soin pour
capturer l'intensité des sentiments qu'il évoque.
Réception critique
Depuis sa parution en 2000, « La mémoire du
soleil » a été salué par la critique pour sa profondeur émotionnelle et
son engagement littéraire. Le recueil a été reconnu comme une œuvre majeure
dans la littérature migrante au Québec, témoignant de l'expérience complexe de
l'exil tout en offrant une réflexion universelle sur le déracinement et la
quête identitaire.
En somme, « La mémoire du soleil » est un
recueil puissant qui explore avec finesse les thèmes de l'exil, de la mémoire
et de l'identité tout en rendant hommage aux victimes des violences politiques
en Algérie. C'est une œuvre incontournable pour comprendre les dynamiques
intérieures d'un écrivain marqué par son histoire personnelle et collective.
L'exil dans les œuvres de Salah El Khalfa
Beddiari
L'exil est un thème central et récurrent dans l'œuvre
de Salah El Khalfa Beddiari, un écrivain et poète algérien installé à Montréal
depuis 1995. À travers ses écrits, Beddiari explore les multiples facettes de
l'exil, tant sur le plan personnel que collectif, en abordant les dimensions
émotionnelles, identitaires et philosophiques de cette expérience. Voici
comment l'exil se manifeste dans ses œuvres :
1. « L'exil comme déchirure
personnelle »
Dans « La mémoire du soleil » (2000),
Beddiari exprime la douleur de l'exil à travers des poèmes qui revisitent les
souvenirs de son Algérie natale. L'exil est vécu comme une séparation brutale
d'avec sa terre d'origine, une déchirure qui laisse un vide profond. Le poète
se retrouve tiraillé entre deux mondes : celui qu'il a laissé derrière lui
(l'Algérie) et celui où il tente de s'intégrer (le Québec). Le soleil, symbole
récurrent dans ce recueil, incarne à la fois la chaleur des souvenirs d'enfance
et l'éloignement douloureux de cette terre perdue. L'exil est ainsi présenté
comme une expérience marquée par la nostalgie et la perte.
2. La quête identitaire à travers l'exil
L'exil chez Beddiari n'est pas seulement une question
géographique, mais aussi une quête identitaire profonde. En quittant son pays
natal, il est confronté à un questionnement sur son identité : qui est-il
Citations:
[1]
https://ppl-ai-file-upload.s3.amazonaws.com/web/direct-files/36235549/7c199c49-25ea-4a92-b200-b49109d1e330/Salah-El-Khalfa-Beddiari-1.pdf
[2]
https://ppl-ai-file-upload.s3.amazonaws.com/web/direct-files/36235549/38e18fd5-f077-4f89-b0e9-ff801338305f/Salah-El-Khalfa-Beddiari-voix-algerienne-au-Quebec.pdf
[3]
https://ppl-ai-file-upload.s3.amazonaws.com/web/direct-files/36235549/a88ba101-2cd1-4558-a5ae-96367fe49777/Le-Joueur-pour-Kindle.docx
[4]
https://www.coopzone.ca/produit/1484409-salah-el-khalfa-beddiari
[5]
https://editionshexagone.groupelivre.com/blogs/auteurs/salah-el-khalfa-beddiari-bedd1000
[6]
https://memoiredencrier.com/auteurs/salah-el-khalfa-beddiari/
[7]
http://www.litterature.org/recherche/ecrivains/beddiari-salah-el-khalfa-1958/
[8]
https://lesvoixdelapoesie.ca/lire/poetes/salah-el-khalfa-beddiari
La place de la mémoire dans les écrits de
Salah El Khalfa Beddiari
La mémoire occupe une place centrale dans l'œuvre de
Salah El Khalfa Beddiari, en particulier dans son recueil « La mémoire du
soleil » (2000). À travers ses écrits, Beddiari explore la mémoire sous
plusieurs angles : personnel, collectif, historique et culturel. La mémoire
devient un outil fondamental pour comprendre l'exil, le déracinement et la
quête identitaire. Voici comment la mémoire se manifeste dans ses œuvres :
1. La mémoire personnelle : un lien avec
le passé
Dans « La mémoire du soleil », Beddiari
revisite ses souvenirs d'enfance et de jeunesse en Algérie, avant son exil au
Québec. Le soleil, symbole récurrent dans ce recueil, incarne à la fois la
chaleur des souvenirs et l'éloignement douloureux de sa terre natale. La
mémoire personnelle devient ainsi un refuge face à la douleur de l'exil.
Beddiari se replonge dans les paysages lumineux d'Algérie, les moments
marquants de sa vie passée, tout en confrontant ces souvenirs à sa réalité
présente au Québec.
Le poète utilise des images fortes pour évoquer les
sensations liées à son passé : le soleil brûlant du désert algérien, les
rituels quotidiens, les relations familiales et amicales. Ces souvenirs sont
souvent teintés de nostalgie, mais aussi d'une certaine mélancolie liée à
l'irréversibilité du temps.
2. La mémoire collective et historique
Beddiari ne se contente pas d'explorer sa propre
mémoire ; il s'intéresse également à la mémoire collective de son peuple. Dans « La
mémoire du soleil », il rend hommage aux victimes de la guerre civile
algérienne des années 1990, une période marquée par des violences extrêmes et
des massacres qui ont profondément marqué l'Algérie. Le poète évoque la
répression politique et les assassinats d'intellectuels, de journalistes et
d'artistes engagés.
À travers ses poèmes, Beddiari cherche à préserver
cette mémoire collective pour éviter que ces événements tragiques ne sombrent
dans l'oubli. Il exprime sa révolte contre l'obscurantisme religieux et la
barbarie qui ont ravagé son pays natal. La poésie devient ainsi un acte de
résistance contre l'oubli et une manière de rendre hommage aux disparus.
3. La mémoire comme outil de
reconstruction identitaire
L'exil est souvent synonyme de perte d'identité, mais
pour Beddiari, la mémoire joue un rôle crucial dans la reconstruction de cette
identité fragmentée. En revisitant son passé algérien tout en s'ancrant dans sa
nouvelle réalité québécoise, il tente de réconcilier ces deux mondes qui
semblent parfois inconciliables.
Dans ses écrits, la mémoire permet au poète de
redéfinir son identité en tant qu'immigrant au Québec. Il se retrouve tiraillé
entre deux cultures : celle qu'il a laissée derrière lui (l'Algérie) et celle
où il tente de s'intégrer (le Québec). Cette quête identitaire est omniprésente
dans ses poèmes, où il cherche à se réapproprier son passé tout en construisant
un avenir dans son pays d'accueil.
4. La mémoire comme espace littéraire
Pour Salah El Khalfa Beddiari, la mémoire n'est pas
seulement un thème ; elle devient également un espace littéraire où il peut
explorer les possibilités infinies de son art poétique et romanesque. Comme le
souligne Najib Redouane dans « Salah El Khalfa Beddiari: Voix algérienne
au Québec », l'œuvre de Beddiari est marquée par "des images gardées
par la mémoire et que transfigurent les mots" [1]. La poésie permet ainsi
au poète de transformer ses souvenirs en matière littéraire, offrant au lecteur
une nouvelle vision du passé.
L'écriture poétique devient un moyen pour Beddiari
d'interroger le rôle de la mémoire dans la construction du présent. En
revisitant des événements passés à travers le prisme de la poésie, il propose
une réflexion sur le temps qui passe et sur l'impact des souvenirs sur notre
perception du monde actuel.
5. La mémoire comme résistance contre
l'oubli
Enfin, pour Salah El Khalfa Beddiari, écrire est un
acte de résistance contre l'oubli. Dans « La mémoire du soleil », il
exprime son désir de préserver non seulement sa propre histoire personnelle
mais aussi celle de son peuple. La poésie devient un moyen de lutter contre
l'effacement des mémoires individuelles et collectives face aux violences
politiques et sociales.
En rendant hommage aux victimes des massacres en
Algérie ou en évoquant les paysages disparus de son enfance, Beddiari montre
que la poésie peut être un outil puissant pour préserver ce qui risque d'être
oublié. Il inscrit ainsi sa voix dans une tradition littéraire où la mémoire
est non seulement une source d'inspiration mais aussi une forme d'engagement
politique.
Dans les œuvres de Salah El Khalfa Beddiari, notamment
*La mémoire du soleil*, la mémoire occupe une place prépondérante en tant que
lien entre le passé et le présent. Elle permet au poète d'explorer les thèmes
universels du déracinement, de l'exil et de l'identité tout en rendant hommage
aux victimes des violences politiques en Algérie. La poésie devient ainsi un
espace où la mémoire personnelle et collective peut être préservée et
transfigurée par les mots
Sources:
[1] Salah-El-Khalfa-Beddiari-1
Citations:
[1]
https://ppl-ai-file-upload.s3.amazonaws.com/web/direct-files/36235549/7c199c49-25ea-4a92-b200-b49109d1e330/Salah-El-Khalfa-Beddiari-1.pdf
[2]
https://ppl-ai-file-upload.s3.amazonaws.com/web/direct-files/36235549/38e18fd5-f077-4f89-b0e9-ff801338305f/Salah-El-Khalfa-Beddiari-voix-algerienne-au-Quebec.pdf
[3]
https://ppl-ai-file-upload.s3.amazonaws.com/web/direct-files/36235549/a88ba101-2cd1-4558-a5ae-96367fe49777/Le-Joueur-pour-Kindle.docx
[4]
https://lesvoixdelapoesie.ca/lire/poetes/salah-el-khalfa-beddiari
[5]
https://www.coopzone.ca/produit/1484409-salah-el-khalfa-beddiari
[6]
http://www.litterature.org/recherche/ecrivains/beddiari-salah-el-khalfa-1958/
Extraits
LA MÉMOIRE DU SOLEIL
de Salah El Khalfa Beddiari
1-
Mémoires du désir
La nuit les chemins s'amenuisent
les rumeurs du déluge s'affûtent
les armes blanches s'aiguisent
l'homme au verbe émacié s'arroge
la légende qui s'immisce entre l'ongle et la chair.
La sourde gestation des lettres ensanglantées gronde
lasse, elle s'agrippe à l'échine de marbre
lésée dans son récif, elle demeure insoumise
lésine sur le dernier souffle, se terre debout
libre que de servir d'almée de plaisir sans griffes.
Lanterner à contempler les pages qui tournent quand
l'étalement des raies obscures absorbe la gêne
l'incandescent gène défigure lentement le genre
le destin de l'apocalypse de nos propres envies réveille
l'instinct animal à survivre même au génocide.
Apôtre des poitrines en jetée
témoin des prééminences prononcées
enfoui sous l'herbe au sommeil évanescent
l'élan fracassé, je rêve aux félins du sud
ressuscitent-ils un matin d'octobre sans fureur de mourir?
Les chemises noires remontent à la surface
enfilent les masques de l'au-delà
embrasent les moissons de juin
éventrent l'espoir d'une jeune liberté
enflammant son nez qui ne plie pas.
Majestueusement le soleil se lève
maître de l'orient, il cuivre l'hymne et le hameau
balourd, il blanchit la semence à la racine
muets, aveuglés par l'or de sa clarté
les frères s'entre-tuent à coups de hache et de mots.
La haine les unit à suivre la route du sel
et soutenir la voûte du mois d'août
et vivre le supplice de l'assoiffé
et creuser le puits de l'âme
et subir la sentence du plus fort.
Il s'approche, le soleil
illuminant la voie brumeuse du salut
nos faces éclairées et éclairantes
nos enjambées sûres et rassurantes
illusionnent l'euphorie des retrouvailles.
À le deviner amer, exclu, ébloui, l'air ailleurs
sa plume qui divague, seules les vagues le mènent
mirage: l'écorce se fendille, la terre se craquelle
l'ébène se tait, m'épater! Ses cheveux de flammes
la flûte le pleure, mains tendues, ô mon soleil!
Aucun épi ne nargue le ciel sans les tendres semailles
aucune récolte sans sueur, sans l'incessant labeur
aucune galette ne lève sans le printemps son levain
aucune révolte sans la rapine méprise
après la nuit vient le jour même par césarienne.
Quand elle se lève, lumière est son allure
fétu et sans ombre, je l'étrenne de l'aurore à l'aurore
dans toutes mes fibres l'impact de ses baisers
dans tous les recoins de la ville sa silhouette m'habite
à me consumer.
Brûle
j'éclaire dans ma combustion
la face sombre du globe
cendres éparpillées sur les friches de son cœur
je cultive sous serre ce qui nous reste d'amour.
Dans l'immensité claire de ses yeux: la preuve
de leurs blancs crémeux: le phare guidant
de ses iris les marins du monde s'éprennent
de ses pupilles du matin, les fils de la rivière
attendent l'air et l'éclair et des girofles sur la pomme.
De la naissance de toute étoile l'explosion
la fin de tout astre est l'implosion
inébranlable
époustouflante comme cette sentence:
toute guerre est pitoyable: futile pitance des gueux.
De toute leur splendeur les empires s'écroulent
du premier gémissement au souffle de l'agonie
l'inexorable effritement
l'émiettement
l'extinction.
Nos aspirations radieuses au large de nos espoirs coulent
là où les gazelles s'abreuvent à la seguia du désert
là où les étincelles de braise tiennent la nuit en éveil
là où le marbre se cristallise racé et veiné turquoise
là où le bronze se révèle sans cesse poterie à l'homme.
La faille: blessure au cep des mots
flétrissure du creuset des palmeraies
torride est la torpeur de son reflet
qui gifle la parure de mon vertige
vestige du rare désir.
Le soleil déambule seul et hautain
la honte au front, sur les océans, vaincu
la sécheresse, se défend-il, n'est pas de mon fait seul
de sa pâleur se reflète déjà la peine du fellah
la diffa pour cette saison n'est plus certaine.
Lentement l'été s'éloigne, quitte mon coucher
emportant les saines mais vaines sueurs noires
sonnant le glas des noces prochaines
les rivières tarissent quand l'orge bourgeonne
car de toute sa carrure elle charrie le sel et l'or du sol.
Les veines d'octobre durcissent
renversent le verre de la fielleuse piété
déversent l'eau de la fausse pudeur
et des sépales et de leurs nervures fléchées
ruissellent la fureur et les graines de vivre debout.
Les berçant de mes prunelles du crépuscule au lever
du liquide abiotique se reflètent somptueuses
la naissance de l'émeute et la houle de la foule
dans ce panorama le coup d'œil se délecte diffus
serpentant les traits saillants de la révolte.
Icônes bleutées sur le sol glacé gisant
signent l'étourdissement des résistants
qui saignent du fiel et l'amertume reconnaissance
de nos éveils successifs: la renaissance, seule la dernière
celle réincarnée voilée, amplement drapée, sévit.
Il s'envole, voile brisée, innocence violée, l'oiseau
blanches ses ailes, col bleu, bec mouillé
fatale est la traîtrise morsure camouflée
les ténèbres ne se rendent-elles pas haut les mains
quand dans son envol le condor diffuse le jasmin?
La colombe
de ses battements d'ailes
les œillets rouges tombent légers
l'allégresse fugace survole la fête du village
offrant l'accolade et le baiser d'un orient à l'autre.
Dans l'intimité de la tente de toutes les tempêtes
dans l'infinie bonté de la légende bédouine
dans l'indolence du verre de thé nomade
dans le secret de la naissance de l'amour
et dans la parole coulée acier du médah le colporteur.
L'attente, sublime l'attente de ces vivaces étincelles
qui portent l'eau à la lune éteinte à la veillée des sabres
à peine éclos guettant l'avènement du météore
ravi déjà par les iris qui charment l'obscurité de la tombe
foudroyé pour la vie par les impitoyables éclats de la vie.
Guidé et embrigadé par l'étendue du coquelicot
rebelle en laisse, je laisse pousser mes ongles
des mains et des orteils, des jambes et des bras
ramassant mes salopettes et mes savates
hurlant aux hommes, aux amis, ô frères, ô sœurs, j'aime!
Mène, raide comme le quartz, froid comme la morgue
les lits de toutes les rivières vers la mer
érige l'idéal de ton rêve bannière à tous les insurgés
aiguise tes mots et plante-les telle une haie
de rosiers, de chênes et de mûriers ornés, crie mon cœur.
De la semonce qui ne ment pas
et qui ne mord pas
je somme l'ultime offrande
de s'incliner devant les tendres prières
les prières de l'aimée à son aimé.
Le grand prédicateur s'épuise longtemps
debout au mihrab malmenant le discours de Dieu
ses paroles étendent le chemin de l'exclusion
le premier pilier de la prophétie s'écroule
rigide comme une idéologie en chrome.
Ravage, pulsations intimes, les veines enflent
les visages de rouge se couvrent
le sexe ébahi, désorienté tâtonne d'entre les cuisses
l'homme dans le brouillard façonné
sondé, élit Dieu.
Remettons nos destins au Tout-Puissant
démissionnons lancent les plus crédules
point de gavage reprends ton argile et son emballage
et gouverne-nous dans l'explicite ici-bas
pour mériter notre foi et notre bénédiction.
Excédé par tant de sollicitude
dépassé par tant de désinvolture
fasciné par tant de désintéressement
séduit par tant de reconnaissance
le grand Dieu accède au trône.
Il fraie une fente: séquence du premier acte
voit pousser à travers la frondaison et d'entre les lianes
la silhouette d'une vierge passante
il déploie son regard de fleurs escorté
s'abreuvant des yeux dans l'oasis du corps en chair.
Cette chair pucelle de la volupté céleste
qui sur les larges feuilles de figuier s'étale
il lui insuffle la braise du désir, incrustés, tatoués, gravés
d'immenses soupirs au parfum des houris tombent du ciel
de cet éternel règne l'image et l'évocation vivent toujours.
Dans la presse québécoise et canadienne
La Presse, Montréal, Canada, Sauf-conduit, 14 mai 2000
Stéphane Despatie, collaboration spéciale
Salah El Khalfa Beddiari, algérien d’origine, vit au Québec depuis 1995,
La Mémoire du soleil, fraîchement publié aux éditions de l’Hexagone, est son
premier recueil. Préfacé par Serge Patrice Thibodeau, ce livre écrit en
français (bien que ce ne soit pas la langue d’origine de l’auteur), est
exigeant par son propos. Chaque page est empreinte de souvenirs, de
souffrances, de traversées, de difficultés et de lumière. Jamais le sujet ne
s’efface devant la langue. Cette dernière est bien maitrisée, la coupe des vers
est intéressante. Le tout semble plutôt classique, mais en pénétrant davantage
dans le recueil, on voit la poésie prendre un espace encore libre. Plus le
recueil avance, plus on sent une progression dans l’occupation de la page. Le
poète, comme le lecteur, est de plus en plus à l’aise. On échappe au verbiage
et l’on entend une voix. Le poète visiblement travaille très fort et rien n’est
laissé au hasard. Il a d’ailleurs atteint une maturité peu commune pour un
premier livre, mais, quelque fois, sa voix tremble et fausse presque, et c’est
là surtout qu’il m’intéresse!
ENTRETIEN, juin 2001
Bonjour Salah. Vous avez quitté l'Algérie depuis 1995.
Quel place votre pays natal occupe-t-il dans votre cœur et dans Chant d'amour
pour l'été ?
Il faut bien dire pays natal parce que maintenant j'ai un
nouveau pays, ça m'amuse beaucoup la notion de posséder un pays. En réalité
c'est le pays qui nous possède. Maintenant, pour répondre à ta question, je
dirai que l'Algérie occupe une grande place dans mon cœur. C'est une question
de mémoire et de nostalgie surtout, parce que je suis imprégné de son soleil,
de sa pluie et de son relief... C'est aussi tous mes souvenirs d'enfance, de
famille, et de lutte.
Dans Chant d'amour pour l'été, mon pays natal a
certainement fourni tout le substrat de l'image et tout le carburant de mon
imaginaire ainsi que la chaleur du geste et de l'approche.
Pourriez-vous expliquer aux Internautes l'essentiel de ce
Chant d'amour pour l'été ?
Chant d'amour pour l'été est une variation sur un aveu
d'amour écrit, dit et livré à l'Aimée jour après jour pendant 365 jours. C'est
un livre qui distille de l'amour-affection, de l'amour-sympathie et de
l'amour-fréquentation à un merveilleux peuple que je n'ai cessé d'admirer
depuis mon arrivée il y a six ans. C'est une œuvre conçue comme une perpétuelle
approche amoureuse envers l'Aimée que j'offre tout reconnaissant pour répondre
à la générosité, à la bonté et à la beauté des gens que j'ai côtoyés au Québec.
Où situez-vous votre œuvre par rapport à la poésie
algérienne et québécoise ?
Je ne sais pas trop où je peux situer ma poésie par
rapport à la poésie algérienne et québécoise. Il me semble que ce que j'écris
est tout à fait différent de ce qui s'écrit présentement au Québec et en
Algérie. J'ai développé une nouvelle forme d'écriture dans le domaine de la
poésie en prose, elle reflète mes accents personnels et ma double appartenance.
J'ai évolué dans deux genres différents d'écriture (la poésie en arabe et la
poésie en français) depuis que j'ai commencé à écrire. Dans ce livre, il s'est
produit un rapprochement de ces deux sphères d'influence dans mes écrits. J'ai
réalisé une sorte de fusion des deux registres en menant une expérience de
superposition de repères et de symboles en faisant éclater l'unicité de la
dimension et de la référence.
Vous avez enseigné pendant plusieurs années la chimie. Y
a-t-il un lien dans votre démarche créatrice entre chimie et poésie ?
Il y a en effet une relation très importante. Je puise
beaucoup dans la science en général et dans la chimie en particulier dans mes
écrits. La chimie m'a aidé à comprendre l'intimité de la matière, et c'est
cette intimité qui m'intéresse. Quand je pense que nous sommes tous (le monde
animal, le monde végétal et le minéral) constitués d'un nombre limité
d'éléments primaires, je me sens très proche de la matière. Nous partageons en
fait le même patrimoine matériel élémentaire, nous sommes, à partir d'un certain
point de vue, tous semblables. Je réalise alors la petitesse de la dérive
humaine, toutes ces tueries, tous ces massacres ne sont que des malentendus
entre les éléments. L'intimité de la matière nous enseigne l'humilité. Nous
sommes si petits devant l'univers que toute guerre, toute injustice qu'elle que
soit sa raison paraisse absurde et superflue. Quand on dit il y a une certaine
chimie entre deux personnes, on dit, en fait, qu'il y a une entente, une
attirance, un amour peut-être entre ces deux personnes mais qu'on n'arrive pas
à expliquer, un mystère qui rapproche deux êtres. C'est ce que la chimie a
éveillé en moi le mystère des choses et des êtres.
Le poète Serge Patrice Thibodeau a écrit à votre sujet que vous délaissez « les discours vindicatifs de la plupart des poètes algériens contemporains », mais que vous refuser « le désespoir muet et l'inaction. » On pourrait trouver ces affirmations contradictoires si on les regarde hors du contexte actuel en Algérie. Pourriez-vous nous éclairez à ce sujet et nous expliquer de quelle manière vous êtes un poète « engagé » ?
C'est une question très intéressante parce que je ne sais
pas moi-même quel est le sens de l'engagement en ce début de siècle. Être
engagé, à mon humble avis, c'est aller au devant des obstacles qui empêchent
l'être humain de se réaliser. Être en permanence éveillé et conscient de tout
ce qui se passe dans le monde, prendre position. Être sur le front tout le
temps. En ce sens je ne le suis plus. Maintenant ce qui m'intéresse c'est la
notion d'amour, comment faire pour répandre de l'amour autour de nous. Comment
répandre de l'amour entre musulmans et juifs, entre musulmans et chrétiens,
entre tous les êtres humains finalement. Je sais que c'est une grande question,
c'est justement ce qui me préoccupe en ce moment.
Pensez-vous que l'Algérie connaîtra un avenir favorable prochainement ? De quelle manière la situation actuelle pourrait-elle s'améliorer ?
L'Algérie sortira certainement de cette situation, c'est
l'optimiste en moi qui parle. Maintenant pour la question de quelle manière la
situation pourrait s'améliorer, à mon avis, il faut qu'il y ait une grande
mobilisation à l'échelle internationale et une réelle volonté d'aide pour
convaincre les gens du pouvoir et le peuple algérien de s'asseoir autour d'une
table et de trouver un consensus. Une pression de l'extérieur contre les
tenants du statu-quo en Algérie mariée à une aide effective de la part des pays
riches encouragerait certainement à trouver une solution à ce grave
problème.
Quels sont vos projets futurs ?
Travailler sur les trois autres saisons de Chant d'amour puis préparer un grand voyage pour l'Algérie où j'espère pouvoir écrire un livre sur le retour après sept ans d'exil.
Lettres canadiennes, Volume 71, numéro 1, University of
Toronto Quartely,
2000, p. 439, Chamberland, Roger, « poésie »
« La mémoire du soleil » (Hexagone) de Salah El Khalfa Beddiari est un recueil dense et fortement structuré, faisant appel aux formes fixes du quintil, du quatrain et du septain.
Poète algérien en exil et ayant choisi le Québec comme terre d'accueil après un bref séjour aux États-Unis, Beddiari s'est lié à Serge Patrice Thibodeau qui, dans la préface du livre, dresse le parcours biographique de ce poète venu à la poésie comme si celle-ci l'avait choisi. « La mémoire du soleil » est divisé en quatre sections qui sont comme autant de formes de mémoire : « Mémoires du désir », « Mémoires diffractées », « Mémoire éphémère » et « Mémoire épistolaire ».
Cette poésie circule entre l'Algérie et le Québec, fait le pont entre deux cultures diamétralement opposées, mais conjointes au plan des grandes questions métaphysiques qui habitent les hommes et les femmes vivant dans l'un ou l'autre de ces pays.
Grandiloquent et de construction serrée et rigoureuse, ce
texte compte parmi les plus originaux publiés cette année. Depuis la
disparition des Éditions Naaman de Sherbrooke, qui nous avaient habitués à lire
ces poètes de la francophonie en exil pour la plupart au Canada, nous étions
privés de ces voix exogènes qui tissent des liens souvent très forts avec leur
nouveau pays d'adoption.
Le Journal Alpha mai – juin 2000
« La mémoire du soleil » Mustapha Chelfi
Il faut toujours se souvenir que la poésie, ce ne sont pas seulement des vers, ni des rimes mais d’abord un état d’esprit. Ëtre poète c’est d’abord dire non. Et ce refus. C’est quelque part l’aveu d’une révolte. C’est pour cette raison, essentiellement, que la poésie a ce pouvoir total sur l’esprit et l’imagination de l’homme. C’est pour dire et faire – car la poésie n’est pas seulement verbe – que le poète trempe sa plume dans l’encre amère des mots pour retrouver l’espoir au-delà de toute contingence.
Salah El Khalfa Beddiari vient de sortir un livre de
poésie, La mémoire du soleil, aux éditions de l’Hexagone. Serge Patrice
Thibodeau, dans une préface fouillée, croise itinéraire de l’auteur et
jaillissement irrépressible du dire. L’évocation en est parfois
émouvante : solitude à Washington, famille restée au bled, lettres –
poésies sur des nappes de restaurants puis le train vers Montréal où le poète
demande l’asile : « je taille ma plume/des roseaux d’or et des os des
rameaux/ pour que cessent les tonnerres du sang/pour que cesse le feu ».
Salah El Khalfa Beddiari a pris le temps de rassembler ses poèmes. Il avouait à
son ami qu’il ne trouvait aucune « urgence à écrire » et que s’il le
faisait, un jour, « ce sera lorsque je penserai être en mesure de faire
honneur aux poètes que j’aime ».