lundi 16 novembre 2015

Réponse à R. Martineau et à G. Bouchard



Réponse à Richard Martineau et à Gérard Bouchard

Vous dites, dans votre article paru dans La Presse du 19 septembre dernier, je cite : « À ma connaissance - et je serais heureux de me tromper -, les médias n'ont pas rapporté d'interventions de musulmans pour se distancier de ce geste. C'est malheureux. Leur silence résonne comme une approbation et il accroît le malaise parmi les citoyens comme moi qui souhaitent un rapprochement entre cette minorité et la majorité culturelle québécoise. »

Mais de quels musulmans parlez-vous? Vous mettez les musulmans, malgré leur grande diversité politique et ethnique, dans le même panier comme s’ils étaient un bloc monolithique. Savez-vous que ce mot générique que vous utilisez peut contenir des musulmans laïcs, des agnostiques, des athées, des bouddhistes, des zens, des démocrates, des libéraux, des conservateurs et d’autres de gauche et d’autres de droite sans parler de la grande majorité d’entre eux, les sans couleur politique et les sans doctrine et les sans appartenance aucune. Sur cette question, je vous renvoie à mon article ici : http://quebec.huffingtonpost.ca/sek-beddiari-/voix-des-musulmans-prise-en-otage_b_6044826.html

Cette approche de désigner les musulmans comme un troupeau, une masse indifférenciée, ne ferait que renforcer les groupuscules islamistes qui se présentent comme leur représentant et leur défenseur. Moi, j’aimerais bien intervenir mais plus à titre de citoyen canadien issu d’un pays de culture arabe et musulmane, berbère d’ethnie et sans confession religieuse aucune. Je ne veux pas être essentialisé comme musulman. Dans votre billet vous ne dites pas que votre intervention est faite par un catholique, vous vous présentez comme citoyen d’abord n’est-ce pas! Je ne comprends pas cette insistance à définir tous les immigrants provenant de ces pays comme musulmans, pourquoi pas Arabes ou Berbères ou Kurdes ou Druzes ou Touaregs ou Pachtounes ou carrément citer leurs pays d’origine comme Sénégalais, Pakistanais, Tunisiens, Égyptiens, Indonésiens, Turques, Irakiens, etc..
Je me sens tout de même interpellé par votre constat, vous dites qu’il n’y a pas eu de réactions de nos concitoyens « musulmans ».

Monsieur Bouchard vous n’avez pas vu les réactions des musulmans ordinaires, ce que j’appellerai, moi, les musulmans du quotidien parce que ces questions ne les intéressent peut-être pas, ou qu’ils n’ont pas le temps de réagir, occupés qu’ils sont à chercher du travail, ou qu’ils ont d’autres chats à fouetter, assurer la nourriture à leurs familles ou qu’ils ne se considèrent pas impliqués. Peut-être qu’ils sont tout à fait heureux de vivre sous les lois du pays en toute quiétude. Ou peut-être qu’ils prennent ces questions pour de la sophistique de gens désœuvrés et vivant dans l’aisance qui n’abordent jamais leurs véritables préoccupations, celles reliées à la précarité de leur situation économique, leur chômage endémique et leur pauvreté.

Les musulmans autres que les engagés-enragés islamistes de tous bords ne s’expriment pas et ne prennent pas de positions, reprochez-vous dans votre papier. Mais, monsieur Bouchard, quelqu’un les a-t-il consultés, les a-t-il invités à donner leurs avis. Comment allez-vous découvrir les opinions de ces autres musulmans, les invisibles et les divers?

En dehors des musulmans engagés dans des mouvements islamistes, la grande majorité, les musulmans du quotidien ne se préoccupent que de leur survie économique. La question de la loi 59, il se peut qu’ils n’aient jamais entendu parler comme les recommandations de votre commission d’ailleurs. Ils n’ont probablement aucune idée sur la teneur de cette loi 59. Un peu comme l’ensemble de la population du Québec et du Canada.
Et supposons qu’ils ont entendu parler de cette loi et les commentaires des imams et des prédicateurs comment procèderont-ils pour faire entendre leur voix? Comment auront-ils accès aux médias, les journaux, les radios, les télévisions. Les journalistes vont-ils passer chez eux, taper à la porte et demander ce qu’ils pensent des élucubrations des Elmenyawi et des Charqaoui.

Et supposons encore qu’un musulman lambda, choqué par les propos des islamistes, pris subitement par une envie irrésistible d’intervenir dans l’espace public, pour, au moins, apporter son point de vue, pour exprimer son opposition et son indignation et sa tristesse devant ces propos. Qui va lui tendre le micro de la radio ou de la télévision, qui va lui ouvrir les pages des journaux?
Vous savez comme moi M. Bouchard que les médias ne s’intéressent qu’aux sujets qui peuvent leur rapporter sur le plan de l’audience, mais aussi sur le plan de leur ligne éditoriale ou leur orientation politique et idéologique. Le musulman du quotidien va-t-il faire irruption, arme dans la main, dans les salles de rédaction pour exiger qu’il passe à l’antenne.

Cependant si vous regardez bien, vous trouverez, tout de même, quelques réactions de ces musulmans du quotidien qui ne passent jamais à la télévision, parce que leur discours n’est pas « vendeur» comme celui des 36 chats d’islamistes, pseudo-représentants de la communauté que les télévisions et les radios passent en boucle.

Malgré toutes les difficultés, ces rares personnes (originaires de pays arabes et musulmans qui abhorrent l’islamisme et le voile et le niqab, la burqa et le tchador) qui, à force d’abnégation et de persévérance et d’insistance, trouvent quelques espaces dans quelques petits journaux pour exprimer leurs opinions, mais personne ne les lit. Ces gens-là, on ne les voit jamais dans les médias lourds. (Voir liens ci-dessous)

La vérité est que personne (je parle des patrons décideurs de la chose médiatique) ne désire donner la parole à ces immigrants qui vivent en parfaite harmonie avec les lois et les institutions du pays. Cela ne cadre pas avec l’orientation générale des gouvernements québécois et canadien. Tout être raisonnable, jouissant de ses facultés de jugement du gros bon sens trouverait cet intérêt (porté aux islamistes) totalement ridicule, futile sinon intéressé. Pour remettre les pendules à l’heure et les islamistes à leur véritable place, disons que leur nombre ne dépasse même pas 0,01 % de la population du Québec[1], mais ils occupent en permanence les écrans de télévisions. Cherchez l’erreur ou le paradoxe!

SEK Beddiari


[1] Selon Frédéric Castel, membre de la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté (CRIEC) de l'UQAM : 60 % des musulmans du Québec ne sont jamais allés dans une mosquée et 25 % disent s'y présenter de façon plus ou moins récurrente.

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