Réponse
à Richard Martineau et à Gérard Bouchard
Vous dites, dans
votre article paru dans La Presse du 19 septembre dernier, je cite : « À
ma connaissance - et je serais heureux de me tromper -, les
médias n'ont pas rapporté d'interventions de musulmans pour se distancier de ce
geste. C'est malheureux. Leur silence résonne comme une approbation et il
accroît le malaise parmi les citoyens comme moi qui souhaitent un rapprochement
entre cette minorité et la majorité culturelle québécoise. »
Mais de quels
musulmans parlez-vous? Vous mettez les musulmans, malgré leur grande diversité politique
et ethnique, dans le même panier comme s’ils étaient un bloc monolithique.
Savez-vous que ce mot générique que vous utilisez peut contenir des musulmans
laïcs, des agnostiques, des athées, des bouddhistes, des zens, des démocrates,
des libéraux, des conservateurs et d’autres de gauche et d’autres de droite
sans parler de la grande majorité d’entre eux, les sans couleur politique et
les sans doctrine et les sans appartenance aucune. Sur cette question, je vous
renvoie à mon article ici : http://quebec.huffingtonpost.ca/sek-beddiari-/voix-des-musulmans-prise-en-otage_b_6044826.html
Cette approche de
désigner les musulmans comme un troupeau, une masse indifférenciée, ne ferait
que renforcer les groupuscules islamistes qui se présentent comme leur
représentant et leur défenseur. Moi, j’aimerais bien intervenir mais plus à
titre de citoyen canadien issu d’un pays de culture arabe et musulmane, berbère
d’ethnie et sans confession religieuse aucune. Je ne veux pas être essentialisé
comme musulman. Dans votre billet vous ne dites pas que votre intervention est
faite par un catholique, vous vous présentez comme citoyen d’abord n’est-ce
pas! Je ne comprends pas cette insistance à définir tous les immigrants
provenant de ces pays comme musulmans, pourquoi pas Arabes ou Berbères ou
Kurdes ou Druzes ou Touaregs ou Pachtounes ou carrément citer leurs pays
d’origine comme Sénégalais, Pakistanais, Tunisiens, Égyptiens, Indonésiens,
Turques, Irakiens, etc..
Je me sens tout de
même interpellé par votre constat, vous dites qu’il n’y a pas eu de réactions
de nos concitoyens « musulmans ».
Monsieur Bouchard
vous n’avez pas vu les réactions des musulmans ordinaires, ce que j’appellerai,
moi, les musulmans du quotidien parce que ces questions ne les intéressent peut-être
pas, ou qu’ils n’ont pas le temps de réagir, occupés qu’ils sont à chercher du
travail, ou qu’ils ont d’autres chats à fouetter, assurer la nourriture à leurs
familles ou qu’ils ne se considèrent pas impliqués. Peut-être qu’ils sont tout
à fait heureux de vivre sous les lois du pays en toute quiétude. Ou peut-être
qu’ils prennent ces questions pour de la sophistique de gens désœuvrés et
vivant dans l’aisance qui n’abordent jamais leurs véritables préoccupations,
celles reliées à la précarité de leur situation économique, leur chômage
endémique et leur pauvreté.
Les musulmans
autres que les engagés-enragés islamistes de tous bords ne s’expriment pas et
ne prennent pas de positions, reprochez-vous dans votre papier. Mais, monsieur
Bouchard, quelqu’un les a-t-il consultés, les a-t-il invités à donner leurs
avis. Comment allez-vous découvrir les opinions de ces autres musulmans, les
invisibles et les divers?
En dehors des
musulmans engagés dans des mouvements islamistes, la grande majorité, les
musulmans du quotidien ne se préoccupent que de leur survie économique. La
question de la loi 59, il se peut qu’ils n’aient jamais entendu parler comme
les recommandations de votre commission d’ailleurs. Ils n’ont probablement
aucune idée sur la teneur de cette loi 59. Un peu comme l’ensemble de la
population du Québec et du Canada.
Et supposons
qu’ils ont entendu parler de cette loi et les commentaires des imams et des prédicateurs
comment procèderont-ils pour faire entendre leur voix? Comment auront-ils accès
aux médias, les journaux, les radios, les télévisions. Les journalistes
vont-ils passer chez eux, taper à la porte et demander ce qu’ils pensent des
élucubrations des Elmenyawi et des Charqaoui.
Et supposons
encore qu’un musulman lambda, choqué par les propos des islamistes, pris
subitement par une envie irrésistible d’intervenir dans l’espace public, pour,
au moins, apporter son point de vue, pour exprimer son opposition et son
indignation et sa tristesse devant ces propos. Qui va lui tendre le micro de la
radio ou de la télévision, qui va lui ouvrir les pages des journaux?
Vous savez comme
moi M. Bouchard que les médias ne s’intéressent qu’aux sujets qui peuvent leur
rapporter sur le plan de l’audience, mais aussi sur le plan de leur ligne
éditoriale ou leur orientation politique et idéologique. Le musulman du
quotidien va-t-il faire irruption, arme dans la main, dans les salles de
rédaction pour exiger qu’il passe à l’antenne.
Cependant si vous
regardez bien, vous trouverez, tout de même, quelques réactions de ces
musulmans du quotidien qui ne passent jamais à la télévision, parce que leur
discours n’est pas « vendeur» comme celui des 36 chats d’islamistes,
pseudo-représentants de la communauté que les télévisions et les radios passent
en boucle.
Malgré toutes les
difficultés, ces rares personnes (originaires de pays arabes et musulmans qui
abhorrent l’islamisme et le voile et le niqab,
la burqa et le tchador) qui, à force d’abnégation et de persévérance et
d’insistance, trouvent quelques espaces dans quelques petits journaux pour
exprimer leurs opinions, mais personne ne les lit. Ces gens-là, on ne les voit
jamais dans les médias lourds. (Voir liens ci-dessous)
La vérité est que
personne (je parle des patrons décideurs de la chose médiatique) ne désire
donner la parole à ces immigrants qui vivent en parfaite harmonie avec les lois
et les institutions du pays. Cela ne cadre pas avec l’orientation générale des gouvernements
québécois et canadien. Tout être raisonnable, jouissant de ses facultés de
jugement du gros bon sens trouverait cet intérêt (porté aux islamistes)
totalement ridicule, futile sinon intéressé. Pour remettre les pendules à
l’heure et les islamistes à leur véritable place, disons que leur nombre ne
dépasse même pas 0,01 % de la population du Québec[1], mais ils occupent en permanence
les écrans de télévisions. Cherchez l’erreur ou le paradoxe!
SEK
Beddiari
[1] Selon
Frédéric Castel, membre de la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et
citoyenneté (CRIEC) de l'UQAM : 60 % des musulmans du Québec ne sont jamais
allés dans une mosquée et 25 % disent s'y présenter de façon plus ou moins
récurrente.
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